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Bilan à mi-mandat

Bilan à la moitié de mon mandat

 

Le 26 avril se sont déroulées les élections de mi-mandat au Comité Economique et Social Européen dont je suis l’un des 329 membres depuis septembre 2010. Il s’agit pour moi de mon 3ème mandat, chaque mandat dure 5 ans, et celui-ci s’achèvera donc en 2025. Au Comité, je représente la Fondation pour la Nature et l’Homme, une des 2 ONG environnementales françaises représentées avec France Nature Environnement. Le renouvellement concerne essentiellement les organes dirigeants, les présidents de section, de groupe et surtout le président du Comité. La procédure est purement formelle pour le président élu pour 2 ans et demi, puisqu’il est en fait désigné par roulement des trois différents groupes.

Oliver Röpke, nouveau Président de notre Comité

Après Christa Schweng, élue présidente en 2020, une autrichienne représentant le groupe des entreprises, c’est à nouveau un autrichien, Oliver Röpke, représentant du groupe des salariés, qui prendra la relève. Et logiquement, au prochain renouvellement, ce sera le président du groupe des organisations de la société civile européenne dont je suis membre, qui deviendra le prochain président, en septembre 2025 donc.

Ce renouvellement concerne également l’ensemble des conseillers au niveau de notre appartenance aux sections, commissions, observatoires.

 

Comme pour tout mandat public, je pense utile de présenter le bilan de mon mandat à mi-parcours.

 

 

Je suis membre des sections NAT (environnement, agriculture) et INT (marché intérieur), du groupe Communication et de celui sur l’initiative citoyenne européenne et je suis co-président de la catégorie Consommateurs et Environnement. Pour cette dernière fonction, mon mandat a été renouvelé lors d’une élection au sein de cette catégorie, le 15 février dernier. Je suis également le point de contact de la délégation française qui comporte 24 membres.

 

 

Durant ce mi-mandat, j’ai été rapporteur de trois avis, sur le renforcement de la lutte contre la désinformation en Europe, sur les leviers d’action du consommateur pour réussir la transition écologique, et sur l’évolution des modèles publicitaires pour les rendre davantage compatibles avec la lutte contre le dérèglement climatique. Je suis actuellement rapporteur d’un nouvel avis relatif au droit à la réparabilité. Les trois avis déjà votés sont sur le site du Comité et ont été publiés au Journal Officiel de l’Union Européenne. Durant mes deux premiers mandats j’avais été rapporteur de trois avis, sur l’obsolescence programmée au début de mon premier mandat. Ce texte fut le premier émanant d’un organe européen à se prononcer sur le sujet. J’avais ensuite été rapporteur d’avis sur le nudge et sur l’économie de fonctionnalité.

 

 

Depuis 2020, j’ai été membre d’une douzaine de groupes de travail sur des sujets comme les nouveaux indicateurs de croissance, sur les crypto actifs, la réaction aux situations extrêmes, les matériaux critiques, la responsabilité en matière d’intelligence artificielle, la responsabilité du fait des produits ou la cyber-résilience. Des sujets très divers, donc. L’ensemble de mes activités européennes est consultable sur le lien de la page du CES Européen ci après: Page Membre du Comité

 

Comme « Point de contact » de la délégation française, j’ai organisé plusieurs rencontres de cette délégation avec la plupart des interlocuteurs officiels en charge des affaires européennes comme les représentants en France du Parlement Européen, le Secrétariat Général aux Affaires européennes, le ministre puis le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, la Commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale et les collègues de la délégation française au Comité des Régions ou les responsables du Conseil Economique, Social et Environnemental français. J’ai été nommé par Clément Beaune, alors ministre des affaires européennes, pour intégrer le Comité de Suivi de la Présidence française de l’Union Européenne qui s’est déroulé au 1er semestre 2022.

 

A l’occasion du renouvellement de mi-mandat, je reste membre des sections NAT (Environnement), INT (Marché Intérieur) et du groupe Communication (CoCom). Je ne suis plus membre du groupe « Initiative citoyenne Européenne ». Je rejoins la Commission Mixte des Mutations Industrielles (CCMI), le groupe du Semestre Européen, et j’intègre le bureau de la section INT.

 

 

Il me reste deux ans et demi à accomplir ; ils devraient être bien occupés au vu de l’ensemble des enjeux européens actuels. Le Comité est un organe formidable qui fait travailler ensemble des membres aux intérêts différents et provenant des 27 Etats de l’Union Européenne et qui arrivent presque toujours à se mettre d’accord sur des textes majeurs.

 

 

Mon seul regret est que la Commission européenne n’est pas toujours réceptive à nos avis, quelle que soit la qualité de ceux-ci. Mais le travail est enthousiasmant et plus de 12 ans après, je suis toujours aussi motivé. Les discussions permanentes entre les 3 groupes et les 27 pays sont parfois compliquées, mais la volonté de faire avancer les choses est un moteur de nos engagements. Cela me confirme dans l’idée que la démocratie participative ne peut résulter de la juxtaposition d’opinions mais bien du processus même de la délibération et de la confrontation, pour autant qu’elles soient constructives.

A green and global Europe

Une Europe verte et ouverte sur le monde. Notes de lecture sur le livre de Nathalie Tocci. Polity. 2023.

 

Nathalie Tocci est directrice de l’Institut des Affaires Internationales, un think tank basé à Rome, elle est également professeure honoraire à l’Université de Tubingen et conseillère du haut représentant de l’Union Européenne pour les affaires internationales.

A green and global Europe. Polity. 2023. 214 pages.

Dans son dernier ouvrage, elle décrit la transformation de l’UE en lien avec les enjeux climatiques. Le lien est constant avec les questions énergétiques puisque l’énergie compte pour 75 % des émissions de gaz à effet de serre en Europe. La transition énergétique n’est pas un phénomène nouveau, l’Europe a déjà connu la transition du bois vers le charbon (1790 – 1845), du charbon vers le pétrole (1865 – 1930). Les trois différences avec l’époque actuelle sont d’abord que l’origine est politique et ne résulte pas d’une rupture technologique, ensuite il ne s’agit plus d’ajouter une nouvelle énergie à d’autres plus anciennes, mais d’entrer dans une logique de substitution, et surtout parce que nous avons une échéance, parvenir à zéro émission d’ici moins de 30 ans.

 

 

L’Union Européenne représente 8 % des émissions globales contre 28 % pour la Chine et 14 % pour les Etats-Unis. Cela signifie que notre réussite ne sera effective qu’à condition d’être le premier continent à émission zéro et aussi et surtout de faire en sorte que le reste du monde suive. Et cela n’est pas gagné car l’Europe ne dispose pas d’une réelle diplomatie climatique. Nathalie Tocci compare ainsi la situation du Danemark qui compte douze personnes sur les enjeux climat-énergie au sein de son ministère des affaires étrangères et celle de l’UE qui ne dispose que de six salariés sur le sujet à l’intérieur du service européen pour l’action extérieure.

 

 

Cela n’empêche pas l’Europe d’avoir un vrai leadership en matière climatique. Celui-ci s’est construit au moment du sommet de Rio en 1992 et il s’est concrétisé en 1997 lors du protocole de Kyoto. La montée en puissance s’est effectuée après 2009 avec le traité de Lisbonne (article 194) qui place le sujet énergétique dans les attributions de l’UE.

 

 

Un des jalons majeurs et le Green deal en 2019 qui fixe un objectif de neutralité carbone en 2050, un engagement de réduction des émissions de 55 % d’ici à 2030, un engagement de 40 % des investissements de relance post Covid lié à la transition écologique et des montants de financements jamais envisagés auparavant. Le Green deal représente également la première tentative internationale d’aller au-delà des seuls engagements en s’appuyant sur un plan d’action avec des outils et cibles bien délimités. L’auteure montre aussi la cohérence des textes à l’exemple du plan « Fit for 55 », ses treize programmes d’engagements et le relèvement de son ambition à l’exemple de l’extension de l’ETS à de nouveaux domaines comme le transport, le bâtiment, l’aviation ou la marine.

La relation aux citoyens est l’objet d’une forte attention afin d’éviter le décalage, apparu en France lors des gilets jaunes, entre les aspects sociaux et environnementaux. La Pologne devrait ainsi être un des principaux bénéficiaires du Fonds pour une Transition Juste et permettre la reconversion de 115 000 salariés dans les mines de charbon. Ce fonds et le Fonds Social pour le Climat ont pour objectif l’acceptabilité sociale des mesures du Green deal. Cela nécessite toutefois une reformulation du récit européen et un engagement vers un storytelling positif et attractif sur la nouvelle vision européenne.

 

 

  • Les incidences géopolitiques

Ce nouvel axe de la politique européenne est également une opération de légitimité et spécialement dans le contexte de la guerre en Ukraine. L’Europe peut retrouver son indépendance énergétique et mieux être en phase avec les attentes des citoyens.

Nathalie Tocci examine la transition verte au regard de la guerre en Ukraine et note qu’à la veille de la guerre, 60 % de nos importations russes concernaient le secteur énergétique et particulièrement le gaz. Cela a fortement contribué à la prise de conscience de la nécessité de réduire nos liens fossiles avec la Russie et à court terme cela implique de les augmenter avec d’autres pays comme les Etats-Unis, l’Afrique ou les pays du Golfe. Il faut être conscient que l’arrêt de nos importations énergétiques de Russie entraîne une réorientation géopolitique, la Chine devient ainsi un importateur de premier plan pour la Russie, ce qu’elle est déjà à hauteur de 15 % pour les importations de gaz russe.

 

 

Parmi les nouveautés, la taxe carbone aux frontières (CBAM : Carbon Border Adjustment Mechanism) sera appliquée au secteur électrique, au ciment, acier, aluminium et quelques autres. Elle poursuit deux objectifs : celui d’éviter la décarbonation importée en empêchant les entreprises de localiser leurs émissions de carbone en dehors des frontières de l’Union, et celui d’éviter un désavantage commercial pour les entreprises européennes concernées par une hausse du prix du carbone. Selon les estimations, les pays qui seraient les plus pénalisés par le CBAM seraient la Chine, la Russie et la Turquie. La Corée, l’Inde et le Brésil seraient aussi fortement impactés, ce qui conduit l’auteure à faire une mise en garde sur les possibles guerres commerciales engendrées par une application trop brusque de la taxe carbone aux frontières. Pour faciliter l’acceptabilité, il est recommandé d’utiliser les recettes du CBAM pour accroître les fonds climats destinés aux économies les moins développées. C’est d’ailleurs une thèse centrale de ce livre ; la transition écologique ne peut se faire dans une Europe autarcique. De plus, la densité de la population en Europe conjuguée à l’accroissement du syndrome Nimby ne permettrait pas l’installation dans l’UE de toutes les capacités renouvelables dont nous aurions besoin pour atteindre nos objectifs de neutralité carbone.

 

 

La transition écologique et énergétique aura des effets sur le mode de production du seul fait que les énergies renouvelables sont plus abondantes et mieux réparties. Les marchés seront moins oligopolistiques et feront place à des acteurs décentralisés pour des productions locales de faible quantité. Un monde décarboné avec les énergies renouvelables est aussi un monde où l’électricité peut s’échanger localement au lieu d’un transport d’énergie par bateaux sur de longues distances.

 

 

  • La question des matériaux critiques

En lien avec la transition écologique, l’auteure évoque la question des matériaux critiques comme le cobalt ou le lithium et note notre forte dépendance. Par exemple pour le lithium, sur les cinq entreprises qui produisent environ 90 % du total, trois des cinq premières sociétés sont chinoises. Les entreprises chinoises ont également établi un quasi-monopole sur le cobalt en République Démocratique du Congo où se situent près de la moitié des réserves mondiales. De même, la Chine produit les deux tiers des polysilicones utilisés dans les panneaux photovoltaïques. En clair, une Europe décarbonée sans la Chine serait extrêmement chère et probablement infaisable, en tout cas à moyen terme, et cela alors même que la Chine restera encore longtemps un pays dépendant des énergies fossiles, notamment parce que ses centrales à charbon sont relativement jeunes. L’argument d’une dépendance chinoise qui se substituerait à la dépendance des énergies fossiles doit être fortement relativisé : si demain les robinets de gaz et de pétrole se ferment pour l’Europe, cela sera insupportable, mais si notre approvisionnement en cobalt s’arrête, les impacts seront réduits.

Cela ne réduit en rien la nécessité d’un rééquilibrage au vu du déséquilibre actuel. L’Union Européenne produit seulement 1 % des matériaux critiques pour les batteries lithium-ion, 8 % des matériaux transformés et 0 % de l’assemblage final de ces batteries.

Dans une perspective de neutralité carbone en 2050, les importations de lithium devraient être multipliées par 60, celles de cobalt par 15 et celles relatives aux terres rares nécessaires pour les énergies renouvelables, le stockage et les véhicules électriques par 10. On le voit, les enjeux géopolitiques sont également nombreux. Si l’Europe peut viser l’autonomie stratégique, elle ne peut vivre en autarcie ou pour reprendre les propos de la vice-présidente Margrethe Vestager, il s’agira d’une « autonomie stratégique ouverte ».

L’UE ne sera jamais compétitive en raison de sa politique sociale avec des pays comme la Corée du Sud ou la Chine. Elle doit se renforcer là où elle possède des avantages comparatifs (turbines, électrolyse), mais pour le reste, les objectifs de la Cop 21 ne peuvent pas être atteints sans les importations chinoises.

 

 

  • Etats-Unis, nucléaire, inégalités et adaptation

L’Europe, pour réussir la transition écologique, devrait d’abord se tourner vers les Etats-Unis. D’abord parce que ceux-ci n’ont pas de marché du carbone et que le CBAM pourrait devenir un sujet de friction, ensuite et surtout parce que les Etats-Unis pèsent à eux deux 40 % du PNB mondial et 30 % des importations. L’équivalent d’un club climatique transatlantique deviendrait une puissance envers laquelle il serait difficile de résister.

L’auteure note que sur le sujet du nucléaire, les divergences intra-européennes restent vives avec des pays opposés à sa prise en compte dans les énergies décarbonées ; c’est le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, du Danemark, du Luxembourg et de l’Espagne.

Elle remet également en cause l’argument des pays moins développés pour continuer à utiliser des énergies fossiles pour rattraper leur retard économique. Pour elle, la science du climat ne permettait pas, il y a un siècle, de prévenir les pays développés d’une possible trajectoire industrielle dangereuse pour le climat. Aujourd’hui, il n’y a plus de contestation scientifique sur ce point. En prenant le cas africain, elle reconnaît la formidable injustice d’un continent qui ne contribue qu’à 4 % des émissions globales, mais qui paiera le prix le plus élevé pour les conséquences. Les recherches suggèrent que pour les états les moins développés, l’impact sur le PNB pourrait être de l’ordre de 64 %, avec des pointes à 84 % pour certains, comme le Soudan.

 

 

Nous avons pris du retard sur l’adaptation, considérant que la priorité était de lutter contre le dérèglement climatique et non pas de s’adapter. Ce n’est que depuis plus récemment que nous savons que, même en respectant l’objectif de + 1,5°degré, les effets seront très importants et pourront atteindre une réduction d’un tiers du PNB de nombreux états.

Une Europe verte représente une assurance pour le futur mais aussi un impératif stratégique pour notre sécurité énergétique. Cela créera des emplois, encouragera l’innovation et soutiendra l’industrie par le découplage entre PNB et CO2. Comme le temps est limité, les politiques publiques européennes doivent accélérer le rythme du changement tout en veillant aux aspects sociaux des ménages les plus défavorisés, aux travailleurs du secteur fossile et aux entreprises intensives en consommation de carbone. Une transition perçue comme injuste serait rejetée et deviendrait un épouvantail pour les autres pays. Une transition énergétique réussie en Europe revitaliserait nos économies et nos politiques tout en contribuant à sauver la planète ; un échec marquerait un déclin quasi inexorable. L’enjeu ne saurait être plus élevé.

 

 

Au final, un livre parfaitement documenté sur les moyens d’atteindre la neutralité carbone en Europe et les enjeux, notamment géopolitiques, associés. Mon seul regret est que le titre me laissait croire une analyse plus globale des questions environnementales en Europe (biodiversité, forêts, agriculture, pêche, …) et seule la question énergétique est ici traitée. Mais elle l’est parfaitement, ce qui relativise la petite déception.

Lutte contre la désinformation et le Greenwashing

Depuis quelques années, la Commission européenne a décidé d’accélérer autour de 2 grands chantiers, celui de la lutte contre la désinformation et celle contre le greenwashing.

A y regarder de plus près, on s’aperçoit que ces 2 sujets sont beaucoup plus liés qu’on ne pouvait l’imaginer.
Je fais le point sur ces sujets au travers d’une interview pour la magazine Hors-Site d’automne 2022.

Magazine HORS SITE N°19 Environnement

Le consommateur, levier de la transition écologique

Après l’avis voté en session plénière du Comité Economique et Social Européen en juillet 2022, avis portant sur une meilleure information du consommateur et la lutte contre le greenwashing, j’ai rédigé une courte synthèse dans la newsletter de la Revue Politique et Parlementaire.

Mieux lutter contre la désinformation en Europe

Le Comité Economique et Social Européen a voté le 9 décembre 2021 un avis dont j’étais le rapporteur sur le sujet de la désinformation. L’association de communication Com-Ent m’a interrogé sur les moyens d’intensifier la lutte sur les fausses informations.

L’article est paru le 24 janvier 2022: Lutter contre la désinformation

Influence française et Transition écologique

Est ce que la lutte contre le déréglement climatique et pour la transition écologique peuvent être des leviers d’action pour augmenter l’influence française dans le monde? Courte itw de 12 minutes avec le club France Initiatives. Décembre 2021.

La publicité peut elle être un levier pour le climat?

A l’occasion du vote en session pleniere du Comité Economique et Social Européen, La Libre Belgique, un des 2 principaux quotidiens belges francophone a publié le jeudi 2 décembre 2021 un court article sur le rôle de la publicité dans la transition écologique.

LLB Pub et transition écologique

Europe, pour le retour de la confiance

Europe, le retour de la confiance

 

La relation à l’Europe a toujours été complexe tant le décalage peut apparaître important entre un idéal civilisationnel promu par les pères fondateurs et une réalité européenne où ont longtemps prédominé les conceptions strictement économiques. Au moment où l’Europe célèbre le plus discrètement possible le 70ème anniversaire de sa première fondation, la création de la CECA par le traité de Paris, il est possible de s’interroger sur les écueils de communication qui restent à surmonter pour un renouveau de la confiance.

 

L’Europe distante, pas vraiment.

 

D’abord, il faut commencer par rectifier l’idée trop répandue que la confiance serait corrélée à la perception de la proximité. Depuis plus de quinze ans que les données existent, les citoyens européens déclarent avoir davantage confiance dans l’Union Européenne que dans leurs propres institutions. Au début de 2021, 49 % des Européens ont confiance dans l’Union Européenne contre seulement 36 % envers leur gouvernement.

 

Ensuite, loin de se dégrader, la relation de confiance tend à s’améliorer. Entre l’été 2019 et l’hiver 2020, les Européens sont 6 % de plus à faire confiance en l’Europe, ce qui représente le niveau le plus élevé depuis 2008. Alors que la méfiance envers les gouvernements nationaux augmentait de 4 points (2019-2020), celle envers l’Union Européenne baissait de 5 points.

 

Un indice de ce renouveau peut être trouvé dans le taux d’abstention aux élections européennes de 2019, le plus faible depuis 1994 avec un taux de participation en hausse de 8 % depuis la précédente élection de 2014 dans l’ensemble de l’Union Européenne et pour la France.

 

Des difficultés qui persistent.

 

Deux obstacles empêchent encore une dynamique de croissance, ceux-ci apparaissent d’autant plus importants qu’ils sont détectés depuis longtemps sans que de réelles perspectives de progrès n’apparaissent.

 

  • Le premier obstacle est celui du récit. L’idéal de paix originel n’est bien sûr pas à rejeter, mais il ne peut plus être à lui seul le moteur de l’unité et le passage en 1993 du Marché commun à l’Union Européenne n’a pu empêcher une perception fortement économique de l’action européenne. Les consultations citoyennes qui se sont déroulées en 2018, la conférence sur le futur de l’Europe qui a débuté le 9 mai 2021 et doit durer jusqu’au printemps 2022 montre que deux thèmes se dégagent pour ce nouveau récit ; l’environnement et les droits sociaux. Parce qu’elle est le continent en pointe dans la lutte contre le dérèglement climatique, parce que la moitié des dépenses de protection sociale dans le monde s’effectue pour les européens, ceux-ci perçoivent parfaitement ce qui les distingue, un accord pour le marché et le libéralisme mais à condition qu’il protège l’environnement et le droit des citoyens. C’est autour de l’idée d’une mondialisation civilisée, de la qualité de vie et du bien-être que le nouveau récit européen peut s’inscrire.

 

  • Le second obstacle, repéré déjà par Jacques Pilhan en 1993, est celui d’absence d’émetteur en matière de communication. Personne n’imagine une institution publique ou une collectivité territoriale sans une direction de la communication, c’est pourtant la réalité au niveau européen. Il existe bien sûr des directions de la communication disséminées au Conseil, à la Commission, au Parlement, mais le problème réside justement dans le cloisonnement organisationnel où chaque structure, et on ne peut leur reprocher, communique sur ses propres activités. Un vrai plan de communication pour l’Europe reste encore à construire.

 

Des avancées non négligeables.

 

Quatre facteurs plus récents permettent d’envisager une confiance durable. D’abord et pour la première fois, le titulaire en charge des affaires européennes semble s’être affranchi de la tutelle du ministère des affaires étrangères. Cela permet aux sujets européens d’être davantage visibles sur la scène médiatique française.

 

Ensuite, l’Union Européenne conditionne désormais les aides qu’elle peut octroyer au travers de ses fonds structurels à l’information des citoyens portant sur l’origine des financements et ainsi pour mieux faire connaître le rôle de l’Union Européenne dans les investissements territoriaux.

 

L’Union Européenne a également compris que pour retrouver la confiance, elle devait davantage communiquer sur les préoccupations quotidiennes de ses citoyens. Par ses directives sur la qualité de l’air – et la condamnation de la France à une amende de 10 millions d’Euros pour non-respect des normes européennes en août 2021 – , par ses initiatives pour promouvoir une consommation plus durable et des produits plus réparables, l’Europe démontre sa capacité d’écoute du quotidien et rompt ainsi avec l’image qu’elle a pu avoir après la crise des subprimes en 2008 et le reproche de privilégier la sauvegarde des grands intérêts financiers.

 

Enfin, et sans qu’il soit possible d’en mesurer précisément l’impact, il est vraisemblable que le Brexit, en ce qu’il aura révélé des conséquences négatives de sortie de l’Union pour un Etat, en ce qu’il aura discrédité la parole eurosceptique et le processus de désinformation au cœur de son discours, aura durablement stoppé le mouvement de défiance populiste envers de l’Union Européenne.

La France aura un rôle particulier au 1er semestre 2022 puisqu’elle présidera l’Union Européenne. Autour d’un triptyque de communication « Relance, puissance, appartenance », trois axes thématiques ont été annoncés, les droits sociaux, le numérique et la lutte contre le dérèglement climatique. La Présidence française peut se révéler un excellent levier pour promouvoir une conception d’une Europe adaptée aux nouveaux enjeux. Le départ d’Angela Merkel qui aura profondément marqué l’Europe conjugué au retrait de la Grande Bretagne de l’UE, offre une opportunité historique à la France pour reprendre un leadership européen. Il faudra pour cela que les enjeux électoraux français liés à l’élection présidentielle n’empiètent pas sur les questions de la relance européenne.

 

Article paru dans la revue « Parole Publique », revue de l’association Communication publique. N°28. Novembre 2021.

Consommation et Environnement, quelles évolutions?

A l’occasion des 30 ans de la catégorie Consommateurs et Environnement que je co préside au Comité Economique et Social Européen, j’ai rédigé un article de synthèse. Paru en novembre 2021, celui trace un bilan des évolutions et quelques perspectives. L’article est en anglais

Conso & Environnement en Europe

 

Publicité et Transition écologique, ça bouge en Europe

Présentation de l’avis Publicité en plénière

Les débats sur le rôle de la publicité dans la lutte contre le dérèglement climatique ont été nombreux et souvent conflictuels en France. Ce sont les débats de la Convention Citoyenne sur le Climat qui ont réellement amené le sujet sur la place publique en 2020, même si plusieurs rapports après celui de la Fondation Nicolas Hulot en 2017 avaient amorcé les discussions. Rapport FNH 2017

 

J’ai voulu au début de cette année que l’Union Européenne se saisisse de la question, parce que la communication publicitaire ne connaît pas de frontières, parce qu’il est peu pertinent d’imposer des régulations fortes dans un pays alors que les autres états n’auraient aucun dispositif de contrôle, il me semblait important d’élargir le débat national. Mon principal objectif était que la filière de la communication publicitaire en Europe s’engage résolument vers l’objectif de neutralité carbone.

 

Au Comité Economique et Social Européen, notre travail est organisé principalement en réponse aux demandes des Institutions européennes, mais nous pouvons aussi nous autosaisir. J’ai ainsi proposé un avis d’initiative à la fin de l’année dernière à la section Marché Intérieur de mon Comité. Cette demande ayant été acceptée, un groupe de travail s’est constitué et nous avons procédé à une audition le 21 juin 2021,

la première audition publique européenne sur le sujet. Deux réunions du groupe de travail se sont déroulées et après un vote en section, mon avis a été voté en session plénière le 20 octobre 2021.

 

Discussion en plénière.

Voici les leçons que j’en tire :

 

  • D’abord, et c’est le plus important, un consensus est possible. Le fait que mon avis ait été voté à l’unanimité sans aucune voix contre indique que toutes les composantes de la société civile organisée sont capables de s’accorder sur un texte. Certes, cet avis ne comporte aucune mesure réellement saillante ou novatrice, mais l’essentiel était de créer le débat au niveau européen.

 

  • Les débats qui se sont déroulés lors de la présentation de mon avis ont été très encourageants. Toutes les prises de parole des représentants des entreprises, des organisations syndicales, des associations de consommateurs, ont bien montré qu’une prise de conscience sur le rôle de la publicité avait été effectuée. Qu’il ne s’agissait pas de la combattre par principe, mais de la faire évoluer dans sa régulation, dans ses méthodes, ses outils, ses représentations pour qu’elle ne soit pas un obstacle à la lutte contre le dérèglement climatique, et pourquoi pas un levier.

 

  • Le consensus parfait obtenu nous permet aujourd’hui d’aller plus loin et d’ouvrir plus facilement les portes de la Commission européenne et du Parlement européen. La dynamique est lancée et le 16 décembre, la catégorie Consommateurs et Environnement que je co-préside avec un collègue espagnol s’attaquera aux allégations environnementales trompeuses.

 

Au final, une belle étape qui m’a rappelé mon premier avis voté dans cette instance en 2013 sur l’obsolescence programmée. L’Europe est souvent très lente à se mettre en ordre de marche sur des sujets novateurs, mais une fois la dynamique lancée, elle sait se montrer efficace. Voici un nouveau motif d’espoir.