a quoi servent les COP?

Interview mardi 9 novembre 2021 dans le quotidien belge « Le Soir » à propos de la COP de Glasgow.

Thierry Libaert est membre du comité scientifique de la Fondation Hulot et conseiller auprès du Conseil économique et social européen. Il est également collaborateur scientifique au Earth and Life Institute (UCLouvain).

Au vu des maigres résultats engrangés, on peut avoir le sentiment que les COP ne servent à rien ou presque. Ces grands-messes ne feraient qu’amplifier « les 30 ans de bla-bla » que dénonçait en septembre dernier l’activiste suédoise Greta Thunberg. Qu’en pensez-vous ?

On peut avoir cette impression, mais on voit mal aujourd’hui comment on pourrait se passer des COP. Cela, bien qu’en dehors de la COP21 qui a mené à l’Accord de Paris, les résultats aient été effectivement maigres et les échecs nombreux. Une autre critique consiste à rappeler qu’aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect d’un engagement par un Etat. Il y a donc un problème de crédibilité quant à la validité de ces engagements. Mais au bout du compte, il serait désastreux aujourd’hui de mettre les COP à l’arrêt.

La critique est trop sévère ?

Lors de la COP15 à Copenhague en 2009 et qui a abouti à l’accord visant à ne pas dépasser une augmentation moyenne de 2oC en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle, j’avais interrogé plusieurs climatologues. On parlait alors d’échec car l’espoir avait été grand de limiter cette hausse non pas à 2oC, mais à 1,5o C. Reste que c’est tout de même la première fois que l’on s’est mis d’accord sur un objectif au niveau mondial.

Les COP se vendent mal auprès de l’opinion ?

Il est toujours un peu difficile de comprendre ce qui se passe à l’intérieur de ces négociations. Ma spécialité est la communication et j’observe le tort que font ces grands-messes en déresponsabilisant les populations. En assistant à leur déroulement, le citoyen se persuade que le climat n’est qu’un jeu de pouvoir entre les très grandes puissances. Il se demande donc ce que pèse encore la COP26 dès lors qu’après le Russe Vladimir Poutine et le Chinois Xi Jinping, le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan décide à son tour de sécher la réunion de Glasgow. L’idée que le problème du climat est celui des grandes puissances, que la situation ne peut se régler qu’avec leur aval et à la condition de l’unanimité, déresponsabilise le citoyen et le consommateur.

Il faut donc que les COP s’adressent autrement à la population ?

Ça m’énerve toujours un peu d’entendre parler de carbone et de neutralité carbone. Ce n’est pas en faisant du dérèglement climatique uniquement une histoire de gaz à effet de serre que l’on peut arriver à mobiliser la population. Il faut lui donner l’espoir et l’envie d’agir. Faire de la neutralité carbone l’objectif central de l’humanité de demain ne peut suffire. Mes références à moi sont la fondation de l’Europe, le discours de Martin Luther King, etc. Soit des actes et des moments qui donnent l’envie d’agir. Il faut éviter d’êtretechnique, incantatoire et moralisateur. Heureusement que la société civile est là pour médiatiser la question climatique de manière autre dans les différents territoires nationaux.

Les COP doivent-elles évoluer dans leur fonctionnement ? Avec un brin d’utopie, peut-on envisager à terme une gouvernance climatique mondiale ?

Il n’est pas interdit d’y penser (rires). Mais sans en arriver là, quand il y a une volonté d’aller de l’avant, beaucoup de choses peuvent être réalisées. Je prends pour témoin la manière dont la destruction de la couche d’ozone a été combattue à partir des années 90. Des moyens de substitution aux gaz destructeurs de la couche d’ozone ont été rapidement trouvés dans les chaînes de réfrigération et les aérosols. Des technologies existantes ont pu être implémentées dans les chaînes économiques. Donc être acceptables au niveau politique.