A quand l’écologie en grand?

Mathieu Orphelin, A quand l’écologie en grand ?, Rue de l’échiquier, 120 pages, 2022.

Ancien vice-président du Conseil régional des Pays de la Loire, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot, directeur du département économie circulaire, puis député à l’Assemblée Nationale (2017-2022), Mathieu Orphelin prendra le 1er novembre ses nouvelles fonctions de directeur général de la LPO.

Il propose ici un livre programme qui ressemble à un testament politique sur ce qui, à ses yeux, devrait être entamé comme prochaines actions. C’est également l’occasion de revenir sur son activité. Il indique ainsi que durant sa mandature, il a rencontré 1 400 représentants d’intérêts et qu’il ne se passait pas un jour « sans qu’un cabinet de lobbying ne me propose un amendement ou une rencontre. » Il revient longuement sur la préparation de la loi Climat et indique que ce sont ses collaborateurs qui ont mis en évidence les erreurs du document d’étude d’impact de la loi. Parmi ses regrets majeurs, le volet Publicité : « S’il y a bien un terrain à défricher entièrement, c’est celui de la publicité. » Il note qu’à l’Assemblée Nationale, si le climato-scepticisme était peu présent dans sa législation, « ce sont surtout les climato-relativistes qui pèsent lourdement dans la balance législative. » Et s’il fallait ne choisir qu’un seul combat à mener dans les prochaines années, « ce serait la refonte des règles du commerce international. »

Le sujet énergétique est traité principalement en lien avec notre dépendance aux énergies fossiles (pétrole et gaz) et la question qui lui semble prioritaire est celle de la fin des passoires énergétiques avec un dispositif actuel (Ma Prime Rénov) qui semble inadapté car les rénovations performantes sont négligeables par rapport au changement de chaudière ou de système d’eau chaude sanitaire.

Sur le sujet des mobilités, j’ai appris que le vélo représente 3 % des trajets de courte distance en France contre 10 % en Allemagne et 26 % aux Pays-Bas.

Le livre se termine avec un tableau synthetique sur tous les grands sujets politiques: ce qui est fait, ce ce qu’on pourrait mieux faire, et Ce qu’il reste à faire, cela sur plus d’une vingtaine de thèmes.

Greenwashing, le point sur les recherches.

Le livre d’A Vollero

Disons-le d’emblée, ce livre est le plus complet et intéressant que j’ai pu lire sur le sujet. L’auteur, professeur associé en Italie, a étudié l’ensemble de la production scientifique anglo-saxonne sur le sujet, soit 554 articles, tout en prenant en considération les articles dans lesquels le greenwashing n’est pas le sujet central mais est évoqué, soit au total 2 797 articles. L’étude du greenwashing a longtemps été réduite, à peine un ou deux articles par an jusqu’en 2009, alors que sur les cinq dernières années 90 textes furent publiés. Les auteurs quant à eux, se concentrent sur l’Occident, essentiellement l’Amérique du Nord (37,3 %), l’Europe (25,5 %) et le Royaume-Uni (10 %).

Tout cela permet de dépasser les approches hâtives où domine un jugement éthique (parler sans agir, manipuler).

 

L’ouvrage débute avec un rappel historique de la montée du greenwashing depuis l’apparition du terme en 1986 dans un court essai de Jay Westerfeld, activiste américain qui dénonçait la pratique d’hôtels incitant les résidents à réutiliser leurs serviettes de toilette sous l’argument de sauver la planète alors qu’il s’agissait prioritairement de réduire les coûts de nettoyage.

 

La première définition apparaît en 1991 dans une étude relative à la publicité environnementale[1], le premier livre, basé sur un rapport de Greenpeace, est publié en 1996 et le mot fait son apparition en 1999 dans le Concise Oxford English Dictionary.

 

Le greenwashing semble plus trompeur parmi l’ensemble des champs publicitaires parce que, sur le sujet environnemental, les consommateurs parviennent moins à décrypter les messages et faire la part du vrai, et cela même s’ils peuvent avoir un haut niveau de compétence en la matière.

 

L’auteur expose les cinq cas de greenwashing les plus présents ; la divulgation sélective ou la mise en évidence des aspects positifs tout en dissimulant les points négatifs, le détournement d’attention, le découplage qui se produit lorsque les organisations arguent de répondre aux attentes des parties prenantes mais sans modification substantielle de leurs pratiques, le label trompeur, et la manipulation intentionnellement trompeuse comme pour le Dieselgate.

 

Le domaine du textile, s’il n’est pas le plus repéré, est un de ceux où les allégations environnementales sont très présentes, 60 % des allégations seraient trompeuses et le pire est que certaines marques ou collections qui se présentent comme engagées feraient du greenwashing à l’exemple de la collection « Conscious » de H&M qui contiendrait une plus forte proportion de fibres synthétiques que les autres produits de la marque, ou la collection « Sustainable » de Zalando qui elle aussi contient davantage de vêtements comportant des fibres synthétiques à base de combustibles fossiles.

 

Un chapitre est consacré aux soubassements théoriques des recherches sur le greenwashing à l’exemple de la théorie de la légitimité où l’entreprise cherche à se rendre compatible avec un système de normes et valeurs sociales, ou la théorie de l’attribution qui vise à expliquer la réaction des consommateurs envers les actions de communication RSE. D’autres approches sont évoquées comme la théorie de l’institution, la théorie du signal, la communication constitutive des organisations.

 

Trois études de cas sont présentées. Le Dieselgate qui commence en 2014 lorsqu’une organisation indépendante publie des résultats relatifs aux émissions de polluants sur trois modèles de Volkswagen et montre que ceux-ci se révèlent 15 à 35 fois supérieurs aux normes américaines. En septembre 2015, l’Agence américaine de l’environnement révèle la présence d’un mécanisme interne permettant de détecter si la voiture est en phase de test ou en situation normale de circulation. Onze millions de ces voitures avaient été vendues dans le monde.

Des chercheurs ont recensé toutes les communications RSE de l’entreprise et toutes se situent sur le même axe ; la déclaration d’être le groupe automobile le plus respectueux de l’environnement. L’effet sur les ventes de cette tromperie a toutefois été très limité car deux ans après, en 2017, Volkswagen connaissait ses meilleurs résultats en termes de vente de véhicules.

 

La deuxième étude porte sur la question des emballages plastiques chez Nestlé au travers de l’étude de 162 post publiés par l’entreprise sur sa page Facebook. 74 % d’entre eux présentent un signe de greenwashing et 42 % deux ou plus. Le phénomène le plus fréquent est celui du détournement d’attention, par exemple promouvoir le recyclage des capsules de café en occultant le fait que 140 litres d’eau sont nécessaires pour produire une dose pour une seule tasse.

 

La dernière étude concerne le greenwashing en matière de reporting et considère l’entreprise GAR, Golden Agri-Resource, une multinationale de l’agroalimentaire qui a son siège à Singapour et qui exerce dans la transformation de l’huile de palme. Malgré de graves accusations d’accaparement de terre et de déforestation, l’entreprise fut incluse en 2017 dans le DJSI, le Dow Jones Sustainability Index. D’autres accusations suivront, notamment d’intimidation de villageois, de destruction de sites religieux. L’agence de notation RobecoSAM soutint la reconnaissance de GAR au sein de l’indice le plus performant en matière environnementale et sociale et ce n’est qu’en 2019 que DJSI retira GAR de son indice, cela après l’arrestation de plusieurs dirigeants pour corruption. Un des autres principaux indicateurs de confiance sur les sujets RSE, le FTSE4Good a inclus GAR dans sa notation et lui attribue une note de 3,3 sur 5, notamment pour la traçabilité de ses plantations et ses projets de développement sociétaire.

Les controverses se prolongent, Bloomberg a montré que les plaintes se poursuivent tout comme les destructions de forêts, ce qui pose une question sur la fiabilité des indicateurs RSE et leur capacité à exercer une pression sur les entreprises pour modifier leurs pratiques. Une étude de 2013 sur les rapports de développement durable de secteurs économiques controversés avait montré que 90% des évènements négatifs en matière de RSE n’étaient pas mentionnés.

 

Ces trois cas permettent d’avoir une vue élargie du problème de greenwashing et non focalisée exclusivement sur la sphère publicitaire. Cela s’illustre également sur les sites web d’entreprise et les fonds d’investissement responsables. Ainsi, selon une étude du magazine The Economist de 2021, sur les vingt fonds de placement ESG les plus importants, la plupart incluent des entreprises controversées dans l’industrie du tabac, le jeu, l’extraction minière, les énergies fossiles.

 

Le dernier chapitre porte sur les perspectives de greenwashing à l’heure de la montée continue du scepticisme et de la méfiance envers les entreprises. Quatre idées apparaissent : le greenwashing ne peut être réduit à une question de diffusion d’informations et sa dichotomie entre la parole et l’action, il n’est pas, le plus souvent, une stratégie délibérée, il ne concerne pas seulement l’entreprise mais aussi les médias, les politiques et bien d’autres acteurs, et s’il apparaît dommageable pour la réputation des organisations, la persistance d’un effet négatif à moyen-long terme semble encore en débat.

 

Au final, un livre passionnant de bout en bout, ultra documenté, qui permet une meilleure compréhension d’un sujet omniprésent dans nos sociétés. La seule critique que je peux émettre est que l’ouvrage ne prend en considération que les publications en langue anglaise, alors que les chercheurs francophones ont beaucoup travaillé ce sujet en publiant dans des revues scientifiques francophones.

 

Référence : Agostino Vollero, Greenwashing. Foundations and emerging research on corporate sustainability and deceptive communication. Emerald Points.152 pages. 2022.

[1] : N. Kangun, L. Carlson et S.J. Grove. Environmental Advertising Claims: a preliminary investigation. Journal of public policy and marketing, n°10, vol. 2, p. 47-58. 1991.

Régis DEBRAY. L’Europe fantôme. Gallimard

shop

Régis DEBRAY. L’Europe fantôme. Gallimard. 46 pages. Février 2019.

Dans ce très court ouvrage, Régis Debray rappelle le début de l’idée européenne après la première guerre mondiale et notamment celle proposée en 1929 par Aristide Briand d’ « une sorte de lien fédéral ».

A contre-courant de l’idée générale, Régis Debray suggère que depuis la 2ème guerre mondiale, ce n’est pas la construction européenne qui a produit la paix, c’est la paix qui a fait l’Europe unie.

Pour lui, l’Union Européenne a mis la charrue avant les bœufs et a oublié l’essentiel ; la culture. Il prend l’exemple de l’Euro « un billet de Monopoly, sans date, sans lien ni devise. (..) Un billet qui ne nous raconte aucune histoire, paysage ou transcendance » (p. 16-17).

Il a cette formule : « Au cinquième siècle, on attendait, le Christ, c’est l’église qui est venue. Au vingtième, on attendait Erasme, c’est M. Moscovici qui est arrivé ».

Stéphane HOREL. Lobbytomie. La Découverte

shop

Stéphane HOREL. Lobbytomie. La Découverte. 2018. 366 pages.

Un livre à charge contre le fonctionnement des lobbys, mais qui emporte la conviction en raison d’une rigueur d’analyse et d’une immense documentation. En fait, l’auteur attaque moins les lobbys que la faiblesse de la réponse des Institutions Européennes. Son angle d’investigation porte essentiellement sur la manière dont les groupes d’intérêt se parent des habits scientifiques pour mieux influencer les décideurs. Stéphane Horel, journaliste au Monde, évoque le science washing comme « processus qui consiste à métamorphoser un matériau de lobby à fonction commerciale en article scientifique » (p. 79). J’ai appris que la moitié des quarante entreprises les plus subventionnées par la Commission figuraient dans le Top 50 des firmes qui dépensaient le plus en lobbying.

Bruno LE MAIRE. Paul: Une amitié. Gallimard

shop

Bruno LE MAIRE. Paul: Une amitié. Gallimard. 2019. 152 pages.

L’ouvrage évoque la fin de vie de Paul, ami du ministre de l’économie, et la relation qui s’engage alors que la mort apparaît inéluctable. Le livre est intéressant sur la place de l’amitié dans nos existences, mais aussi par les sujets de discussion entre les deux hommes.

J’ai notamment apprécié les avis opposés sur Glenn Gould. A l’heure où l’on discute des avantages de l’Europe, une phrase m’a interpelé positivement : « Ce qui manque à la civilisation américaine et qui fait la supériorité de la civilisation européenne, ce sont les terrasses de café. Sur les terrasses de café, on discute, on se croise, on boit un verre, on regarde le monde si divers et on attend » (p. 132). Et sur l’Union Européenne : « Depuis 10 mois, nous avons enregistré des progrès importants, par conséquent nous pouvons nous attendre, comme toujours en politique, à des résistances nouvelles et à des retours en arrière » (p. 136).

Raphaël GLUCKSMANN. Les enfants du vide. Allary Editions

shop

Raphaël GLUCKSMANN. Les enfants du vide. De l’impasse individualiste au réveil citoyen. Allary Editions, 2018. 216 pages.

J’ai beaucoup apprécié ce livre puisque, comme conseiller au Comité Economique et Social Européen, je milite pour une reconnaissance des organisations de la société civile comme rempart contre l’atomisation sociale, et l’auteur précise que déjà Tocqueville la considérait comme le terreau du despotisme. « La démocratie suppose des corps intermédiaires forts qui sociabilisent les individus et font émerger une conscience collective ».

Et lorsqu’il parle de l’Europe, son constat est clair : « Ne pas saisir les implications pour la démocratie de l’atomisation sociale, de l’explosion des inégalités, du délitement des liens civiques rend impossible toute résistance efficace à la déferlante populiste ».

Herman VAN ROMPUY. Anti-mémoires. Mardoza.

shop

Herman VAN ROMPUY. Anti-mémoires. Mardoza. 144 pages.

Herman Van Rompuy, ancien premier ministre belge fut le premier président du Conseil européen (de 2010 à 2014). Agé de 70 ans, il nous livre sa vision de l’Europe qu’il a connue à un poste privilégié. Il observe que la peur des migrants est très forte en Hongrie ou en Pologne, alors qu’il n’y a pas de musulman. Il évoque les démocraties illibérales, celles qui ne garantissent pas les libertés fondamentales. Il fait preuve de compréhension envers les populistes italiens puisque l’Europe a longtemps été légère envers ce pays, le laissant se débrouiller face aux migrants. J’ai bien aimé sa définition de la démocratie ; « la divergence d’opinions organisée ».

Le livre se termine avec ses deux discours, celui de la réception du prix Charlemagne et celui, en décembre 2017, où il reçoit au nom de l’Union Européenne, le prix Nobel de la paix. Comme axe pour l’Europe, il propose « plus de détermination à l’extérieur et plus d’attention à l’intérieur ».

Dominique WOLTON. La dernière utopie. Naissance de l’Europe démocratique. Flammarion.

shop

Dominique WOLTON. La dernière utopie: Naissance de l’Europe démocratique. Flammarion. 1993. 456 pages.

Une excellente réflexion sur l’Europe qui date d’il y a 25 ans et qui conserve toute sa pertinence. L’auteur prévoyait déjà que l’Europe risquait de s’acheminer vers un rôle de bouc émissaire, il pointait la difficulté d’un récit fédérateur à l’heure où les deux motifs initiaux auraient disparu ; le communisme et le souvenir de la guerre. Dominique Wolton soulignait déjà : « Il y a dans cette carence de réflexion stratégique sur la communication une des plus graves difficultés démocratiques de l’Europe » (p. 168).

Il note que l’on a voulu construire une Europe économique mais sans considérer l’Europe politique, il nous faut « nous débarrasser du fétichisme de l’économie comme condition de la réussite du projet européen » (p. 265).

Jean QUATREMER - Les salauds de l’Europe

Jean QUATREMER. Les salauds de l’Europe. Calmann-Lévy.

shop

Jean QUATREMER. Les salauds de l’Europe: Guide à l’usage des eurosceptiques. Calmann-Lévy. 2017. 318 pages.

Un régal de lecture. L’auteur connaît parfaitement l’ensemble des rouages européens et a pu côtoyer la plupart des acteurs. Jean Quatremer a la dent dure contre certains responsables et notamment à la Commission Européenne ou au Conseil de l’Europe, mais toujours en démontant les nombreux mythes qui circulent.

L’auteur rappelle que l’Europe est un espace de paix, couronné par un prix Nobel en 2012 et qu’elle concentre 50 % des dépenses sociales de la planète. Déjà, en janvier 1925, Edouard Herriot, président du Conseil des ministres déclarait « Mon plus grand désir est de voir un jour apparaître les Etats-Unis d’Europe ». Presque 100 ans plus tard, nous en sommes loin, et l’objectif est surtout de bien faire fonctionner l’Europe existante. J’ai appris qu’il y avait, toutes institutions communautaires confondues, 56 000 personnes salariées par les institutions européennes à Bruxelles.

Bilan de faillite

Régis DEBRAY. Bilan de Faillite. Gallimard.

shop

Régis DEBRAY. Bilan de faillite. Gallimard. 156 pages.

Un peu convenu dans la forme (Un père écrit à son fils bachelier pour lui donner des conseils pour son avenir), le livre est superbement écrit et la vie passionnante de Régis Debray mérite que l’on prête attention à ses recommandations. Les formules sont brillantes, ainsi lorsqu’il évoque la mission ministérielle dont les résultats vont « rejoindre le tombeau du rapport inconnu ». Beaucoup de citations comme celle de Clémenceau « Pour être ambassadeur, il ne suffit pas d’être con, il faut aussi être poli ». J’ai apprécié ses formules « Qui ne prend pas les transports en commun ne pourra jamais communiquer efficacement » ou « Trotsky fait rêver mais c’est le smartphone qui a changé nos vies ».