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Que fallait-il lire en 2020?

Si l’on accepte l’idée que dans toute crise il peut y avoir une opportunité, celle-ci peut se révéler dans l’inclination que nous avons pu avoir, confinement oblige, à rouvrir de bons bouquins. Parmi mes lectures marquantes de l’année 2020, je recommande :

 

  • Roger Heim, Destruction et protection de la nature, Armand Colin, 1952.

C’est l’ancien Président de France Nature Environnement, Jean-Pierre Raffin qui m’a fait découvrir ce livre, à mon sens le premier livre d’alertes écologistes. Roger Heim était le Président du Muséum national d’histoire naturelle et le livre est particulièrement bien documenté. Centré sur la perte de la biodiversité, il appelle à un autre regard sur la nature. Bien avant l’idée de développement durable, il appelait déjà à la prise en compte des générations futures dans nos décisions. L’ouvrage vient de faire l’objet d’une réédition.

 

  • Nathaniel Rich, Perdre la terre, Seuil, 2009.

Il s’agit ici d’une enquête très fouillée notamment sur les années 80-90 aux Etats-Unis où l’on s’aperçoit que les dirigeants américains furent à deux doigts de s’engager réellement et rapidement dans la lutte contre le dérèglement climatique. On imagine rétrospectivement ce que serait actuellement notre vision du futur si les bonnes décisions avaient été prises dès la connaissance des impacts de l’élévation des émissions de gaz à effet de serre.

 

  • Dominique Wolton, Vive l’incommunication, François Bourin, 2020.

Le point de départ de la réflexion de l’auteur est : Pourquoi, alors que les européens ne sont d’accord sur rien, l’aventure européenne continue et constitue la plus grande aventure politique et démocratique de l’histoire du monde. Il dénonce le fait que l’Europe ait perdu son projet originel et soit devenue « terne, à la remorque du capitalisme ordinaire, suiviste, sans aucune originalité. »

 

  • Olivier Sibony, Vous allez commettre une terrible erreur, Champ, 2019.

Un livre très clair sur la manière avec laquelle nous prenons nos décisions, notamment sur la base de biais de compréhension : le piège de l’intuition, l’excès de confiance, l’inertie, l’aversion à la perte, la pensée de groupe. Le livre est truffé d’exemples, souvent avec humour. Il m’a intéressé pour mes recherches sur la sensibilisation au dérèglement climatique, car il montre que nous avons tous tendance à nous considérer plus vertueux que ceux qui nous entourent. Je recommande fortement.

 

  • Edgard Morin, Les souvenirs viennent à ma mémoire, 2019.

Edgar Morin nous avait déjà livré ses souvenirs avec la publication de son journal (2 tomes et pas loin de 2 000 pages !), une excellente biographie lui avait été consacré par Emmanuel Lemieux en 2009, et certains aspects de sa vie avaient déjà fait l’objet de publications. Ses mémoires publiés aujourd’hui, classés par thème et non chronologiquement, sont un vrai régal de lecture. Nous y découvrons un personnage incroyablement ouvert aux autres, un amoureux du Maroc, de l’Italie et de l’Amérique Latine, un homme aux causes multiples et très souvent en quête de séductions, un homme toujours prêt à aller chanter et danser après l’un de ses colloques, un auteur qui s’interroge sur la destinée de ses livres à l’exemple de Le vif du sujet paru en 1969 qu’il considère comme son meilleur livre, et pourtant le moins lu.

Aujourd’hui Edgar Morin a 99 ans, il est l’auteur d’un nombre incalculable d’articles et d’ouvrages, il est docteur honoris causa de 34 universités dans le monde et il continue à se poser des questions sur l’homme, la vie, l’univers.

Une excellente lecture que je recommande également.

 

  • Stéphane Foucart, Stéphane Horel, Sylvain Laurens, Les gardiens de la raison, La Découverte, 2020.

Cette enquête sur la désinformation scientifique est à sa manière une suite de La Fabrique du mensonge de Stéphane Foucart et de Lobbytomie de Stéphane Horel que j’avais beaucoup appréciés. Ce livre complète ces deux ouvrages par un examen des techniques de désinformation utilisant un argument scientifique et s’effectuant sur les réseaux sociaux. Les attaques contre l’Agence Française d’Information Scientifique (AFIS), le collectif #NoFakeSciences ou certaines personnalités comme Gérald Bronner sont assez nombreuses. J’ai été un peu déçu par le côté patchwork de cet ouvrage et je recommande plutôt les ouvrages précédents de ces auteurs.

 

  • Sergent Bourgogne, Mémoires, Arlea, 2020.

C’est en lisant l’ouvrage de Sylvain Tesson, Bérézina, que j’ai découvert le Sergent Bourgogne, un grenadier qui accompagna Napoléon lors de la campagne de Russie. Le livre raconte surtout la retraite dévastatrice depuis Moscou. L’ensemble est assez épouvantable et l’on est sidéré par les scènes de dévouement et celles d’égoïsme extrême engendré par la lutte pour la survie. J’ai été aussi fasciné par le fait que malgré le carnage de la retraite de Russie, la faim, le froid, les attaques incessantes, jamais le Sergent Bourgogne ne se plaint de sa situation. Certains feraient bien d’en prendre de la graine. Et je ne vise personne ;-)

 

  • François Noudelmann, Un tout autre Sartre, Gallimard, 2020.

Un livre fabuleux qui fait découvrir un Sartre dans sa vie privée, mais tout en bienveillance et sans aucun voyeurisme. Au travers de ses nombreuses correspondances, de témoignages, c’est un Sartre totalement différent de la figure de l’intellectuel engagé tel qu’on le réduit trop souvent.

Une superbe réussite, richement documentée et toujours tout en retenue. Je conseille.

 

  • Etienne Barillier, Le guide Philip K. Dick, Hélios, 2020.

Un livre vraiment indispensable pour les amateurs de science-fiction. Ce petit livre présente de manière synthétique et grâce à de multiples entrées toute l’œuvre de Dick. On connaît surtout Dick en raison des films tirés de ses œuvres (Blade Runner, Total Recall, Minority Report, …). Le livre incite à la relecture de ses chefs d’œuvre, au premier rang desquels figure selon moi La transmigration de Timothy Archer.

 

  • Pierre Berville, J’enlève le haut, Aquilon, 2018.

Dans le cadre de ma mission sur la publicité pour le ministère de la Transition Ecologique, j’ai lu un maximum d’articles et d’ouvrages. Je note ici seulement celui de Pierre Berville car il a le mérite d’une transparence totale sur le métier de publicitaire. A la lueur du fonctionnement de la publicité à son âge d’or dans les années 80, on peut concevoir la révolution dans les consciences qui doit s’opérer actuellement chez de nombreux publicitaires.

 

  • Guy Versailles, Le temps des relations publiques, Presses de l’Université du Québec, 2019.

L’ouvrage est une bonne synthèse sur les relations publiques avec deux aspects particulièrement développés ; celui de la relation aux métiers et celui de l’éthique. Pour ma part, j’ai surtout été intéressé par les réflexions autours des relations publiques comme métier. En dehors des questions d’autonomie de la discipline, des connaissances requises, d’une déontologie spécifique à la profession, l’auteur s’interroge sur la gravité des préjudices que pourraient subir des personnes qui auraient recours à une agence de relations publiques dont les compétences seraient minimes. Une réflexion intéressante pouvant conduire à organiser les relations publiques comme un véritable ordre professionnel.

 

  • Bon, et bien sur, s’il y avait un livre à lire cette année, c’était bien « Des Vents porteurs« .

Un livre qui remet en question toute la communication en matière de transition écologique et notamment sur le dérèglement climatique. Mais je suis un peu subjectif sur le sujet.;-)
Pour en savoir plus: Des vents porteurs: comment mobiliser enfin pour la planete