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Préface du guide de la communication responsable

Mardi 4 octobre, l’ADEME a publié la 2eme édition de son guide de la Communication responsable. Ce guide est vraiment important car il fournit tout à la fois une parfaire compréhension des enjeux mais aussi un véritable mode d’emploi.

J’ai pu contribuer à ce guide par des conseils, relectures, quelques textes et la préface que je mets ci dessous.

Ce livre de 440 pages est vendu au prix de 12€. Vous pouvez le commander ici: Commande guide ADEME

 

 

Prés de 80 contributeurs ont participé à la rédaction de ce livre, sous le pilotage de Valérie Martin et l’appui décisif de Mathieu Jahnich, auteur principal.

 

 

PREFACE:

Trente ans avant la sortie de ce guide, je publiais l’ouvrage La Communication verte, premier livre francophone consacré à la communication envi-ronnementale. La fin des années 1980 avait vu l’apparition des premières publicités uniquement focalisées sur une thématique environnementale, la France venait de lancer son premier plan national pour l’environnement, le premier sommet international sur l’environnement se préparait à Rio de Janeiro, l’opinion publique se montrait très sensibilisée après plusieurs grandes catastrophes comme Tchernobyl, Bâle ou l’Exxon Valdez, et certaines thématiques comme la déforestation amazonienne ou le dérèglement climatique commençaient à s’inscrire dans l’espace public. Il y avait là clairement un nouveau sujet de communication à explorer, d’autant que je pressentais que la dynamique serait durable.

 

L’évolution vers une communication plus responsable s’illustre parfaitement avec celle du guide de l’ADEME. Dans la première édition en 2007 de ce qui s’appelait encore Le guide de l’éco-communication, seuls trois domaines principaux étaient couverts : la publicité, l’événementiel et l’édition. Il s’agissait alors essentiellement de mieux concevoir ses messages afin d’éviter toute critique en greenwashing, et, dans quelques domaines, de réduire l’impact environnemental de ses actions de communication. Dans la première version du Guide de la communication responsable, publié en 2020, un changement d’échelle est apparu : l’objet était désormais de se situer dans une perspective beaucoup plus ambitieuse de prise de conscience de la responsabilité du communicant face aux grands enjeux de la transition écologique, cela au travers de l’ensemble des activités du communicant. Notre guide est en ce sens un bon indicateur de l’évolution de la fonction communication et de ses enjeux.

 

Deux années plus tard, chacun peut mesurer à quel point le contexte a radicalement changé. La pandémie du Covid-19 s’est généralisée, l’invasion russe en Ukraine a introduit la guerre aux portes de l’Europe, mais la perception de l’urgence écologique s’est durablement ancrée avec les derniers rapports du GIEC et l’accélération des événements météorologiques extrêmes ; le dérèglement climatique n’est plus renvoyé aux générations futures, nous pouvons tous constater qu’il est déjà présent et que ses conséquences se révèlent toujours plus dangereuses.

 

 

Beaucoup de choses se sont modifiées dans le paysage de la communication responsable, les pratiques sont mieux encadrées, les aspects sociaux et sociétaux appa- raissent davantage présents, les communicants publics comme ceux du marketing se sont fortement professionnalisés. Chacun s’accorde désormais à reconnaître que la communication responsable ne saurait être l’affaire de quelques grandes agences ou entreprises, pas plus qu’un marché de niches. La communication responsable est l’affaire de chaque communicant, quels que soient son organisation et son domaine d’activité. La notion de responsabilité s’est ouverte à d’autres thèmes comme la lutte contre la désinformation et il faut désormais parler de la responsabilité élargie du communicant. Le sujet s’est également implanté à l’échelon européen et les institutions européennes sont de plus en plus actives pour une information du consommateur propre à faire de celui-ci un levier de la transition écologique. Sur les réseaux sociaux on observe une sensibilité de plus en plus forte, s’exprimant parfois brutalement, envers les entreprises soupçonnées de greenwashing, et les plaintes s’étendent aux tribunaux classiques.

 

 

S’il fallait retenir un seul événement pour les métiers de la communication, je choisirais la Convention citoyenne sur le climat dont les travaux se sont déroulés d’octobre 2019 à juin 2020. Le fait est révélateur que150 personnes, qui ne se connaissaient pas, dès la deuxième séance de travail, c’est-à-dire juste après les présentations et l’exposé de la méthode, s’accordent pour dire que, s’il faut effectivement lutter contre le dérèglement climatique, il est nécessaire de s’attaquer au rôle de la publicité, volet le plus visible des actions de communication. Jamais nos métiers n’avaient connu pareille remise en cause et d’États généraux en publications d’engagements, de tribunes en guides, toute la profession a dû se mobiliser. Deux leçons peuvent en être tirées. D’abord la méfiance est durablement enracinée et plus que jamais, le communicant doit apporter la preuve des messages qu’il émet. Ensuite et surtout, la transformation du métier de communicant doit être vue comme une formidable opportunité pour redonner du sens à la fonction, renforcer l’attractivité du métier et favoriser l’avènement d’une société en phase avec les limites de notre planète, une société plus sobre et désirable.

 

 

Loin de la perception originelle d’une communication instrumentale, la communication responsable replace l’humain au cœur de ses dispositifs au service de nouveaux récits qu’elle aura contribué à faire émerger. Basée sur trois piliers que sont la preuve, la proximité et la relation aux parties prenantes, la communication responsable possède une grande ambition, mais les valeurs d’authenticité qu’elle véhicule nécessitent humilité et remise en cause permanente.

 

 

Une rupture s’est opérée dans le champ de la communication, et une forte dynamique s’est installée. Ce guide est là pour aider chaque communicant à y prendre part.

Lancement du guide de la communication responsable

Mardi 4 octobre 2022 a eu lieu à l’Académie du Climat à Paris la présentation du guide de la Communication responsable de l’ADEME. Il s’agit de la 2eme édition de ce guide après la 1ere en 2020. La matinée de présentation a permis de faire le point sur le sujet sous tous ses aspects avec une grande variété d’intervenants?

Pour ma part, je suis intervenu au début sur l’évolution de la communication responsable (22′).

Lien vers la vidéo:

 

Communiquer sur la RSE, un cran au dessus

Communiquer la RSE : perspectives et pratiques

L’ouvrage Communicating Corporate Social Responsability: Perspectives and Practice, est dirigé par Ralph Tench, William Sun et Brian Jones. Publié cette année aux Editions Emerald, il s’agit du volume 6 d’une collection « Critical studies on Corporate Responsability, Governance and Sustainability ». ce volume de 430 pages est à ranger aussitôt dans les tous meilleurs ouvrages relatifs à la communication RSE.

Composé de dix-huit chapitres rédigés par des auteurs différents, il conjugue la réflexion originale tout en apportant un très grand nombre de réponses issues de recherches en laboratoires.

Situé au croisement de plusieurs disciplines et bien sûr de celle de la communication et de la RSE, la communication RSE est un domaine qui reste mal perçu et qui demeure en construction ne serait-ce qu’en raison de la difficulté d’une définition partagée de la RSE.

Dans son chapitre « Corporate social responsability communication : towards a phase model of strategic planning », Bernd Lorenz Walter distingue :

  • La communication sur la RSE, la RSE comme objet de communication,
  • La communication comme partie intégrante de la RSE, dans laquelle il intègre l’écoute des parties prenantes. « Trop souvent la communication fournit des réponses aux questions que personne ne pose, et ne répond pas aux questions qui sont posées. » (p. 63),
  • La communication responsable qui concerne les impacts, notamment éthiques, de la communication,
  • La communication relative à des produit ou services responsables.

Magnus Fredriksson et Eva-Karin Olsson proposent un modèle d’analyse des discours RSE basé sur leur fréquence, leur étendue et le contexte. Après avoir analysé vingt rapports annuels d’entreprises suédoises, ils observent que « Deux aspects dominent l’information environnementale : qu’avons-nous fait et quand l’avons-nous fait. » A l’inverse, très peu d’informations sont fournies sur les motivations des actions réalisées et le but poursuivi.

Cela rejoint l’étude d’Adrian Zicari sur les tentatives d’harmonisation des référentiels (IIRC, Iso 26000, le Global Compact, GRI) pointant la nécessaire flexibilité des indicateurs en fonction du contexte dans lequel se situent les entreprises et indiquant l’intérêt d’informer également sur les mauvaises nouvelles et les risques.

Tineke Lambooy, Rosemarie Hordijk et Willem Bijveld, dans le chapitre « Communiquer sur l’intégration de la durabilité dans la stratégie corporate », plaident pour la réalisation d’un rapport annuel unique permettant de ne pas déconnecter les enjeux RSE des autres enjeux, notamment financiers, de l’entreprise. Selon eux, dans un rapport intégré, « Il y a davantage d’information compréhensible en lien direct avec la stratégie de l’entreprise » (p. 225). Ils demandent à ce que l’Europe harmonise les législations nationales sur le sujet.

Dans son étude sur la responsabilité des réseaux sociaux Facebook, Twitter et Google, Theresa Bauer montre bien la difficulté d’une approche globale. Alors que les réseaux sociaux peuvent offrir des plates-formes pour des réseaux activistes, ils procurent également une confidentialité insuffisante des données.

L’étude de Sarah Inauen et Dennis Schoeneborn sur les usages de Twitter par les multinationales et les ONG est véritablement passionnante. Après avoir étudié 3.000 Tweets de trente multinationales et de trente ONG, les auteurs concluent à la quasi-absence de distinction. ONG et multinationales utilisent Twitter de la même manière, c’est-à-dire pour diffuser de l’information de manière unilatérale et donc en échouant à utiliser les possibilités de dialogue offertes par ce réseau social : « En termes de degré d’interactivité, ONG et multinationales utilisent Twitter d’une manière suprenamment similaire» (p. 303).

L’article de Guido Berens et Wybe T. Popma, « Créer la confiance du consommateur dans la communication RSE » est une mine d’or. Les auteurs passent en revue un grand nombre d’études sur le sujet. J’y ai appris que :

  • Des allégations précises (comme 100 % biodégradable) procurent de meilleures perceptions que des engagements généraux (comme Earth friendly).
  • Lorsqu’une allégation générale (exemple : Ozone friendly) est couplée avec une allégation spécifique (no CFC), l’effet est encore plus important.
  • Une allégation qui valorise le consommateur procure plus d’effet qu’une allégation relative à la RSE du produit.
  • Une marque voulant convaincre de sa RSE doit d’abord convaincre de la qualité du produit. Le consommateur ne sacrifie pas la qualité contre la RSE.
  • Dans certains cas, axer la consommation sur la RSE du produit peut entraîner une baisse de la perception de la qualité de ce produit.
  • La communication sur les actions réalisées et les impacts a plus d’efficacité que celle sur les engagements et les programmes.
  • Lorsqu’une entreprise communique sur ses actions sans évoquer ses produits, cela n’a pas d’impact sur les intentions d’achat.
  • Les consommateurs préfèrent des labels relatifs à des actions uniques plutôt que des labels généraux (mais ce sujet est controversé).
  • Les informations RSE sous forme de code couleur (rouge/orange/vert) sont plus efficaces que sous forme numérique
  • Les consommateurs n’exprimant pas d’intérêt environnementaux sont plus sensibilisés par des labels négatifs que positifs.
  • Lorsqu’une source indépendante valide la démarche RSE, cela entraîne des effets positifs sur l’image de l’entreprise, mais cela peut impliquer la vision d’une simple action de communication.
  • Lorsqu’une entreprise a beaucoup communiqué sur la RSE, le fait d’apprendre par les médias des informations négatives à son égard sur le sujet entraîne une perception plus négative que si l’entreprise n’avait pas communiqué sur la RSE.
  • Cet effet boomerang ne fonctionne pas lorsque le consommateur s’est déjà forgé l’opinion que l’entreprise aurait une réelle démarche RSE.

Ces deux auteurs concluent par une intéressante réflexion sur les approches de la communication RSE en termes soit déontologiques (l’obligation morale de l’entreprise), soit conséquentialistes (les impacts des activités de l’entreprise). En termes de communication, il n’est pas totalement clair de savoir si le consommateur recherche « une bonne entreprise » (déontologie) ou « un bon produit » (conséquentialisme). L’ensemble des études inclinent toutefois à pencher pour le second.

Un livre indispensable à tous ceux qui s’intéressent à la communication responsable.

Sur le même sujet et sur ce même blog, voir ma critique du livre de Timothy Coombs, cf lien ici: Communiquer sur la RSE, synthèse du livre de T Coombs.

et celle relative au mythe du consommateur éthique: Le mythe du consommateur éthique

En 2011, la revue « Recherches en Communication » a consacré son dossier à la communication environnementale, j’en avais co rédigé l’introduction: Communication & Environnement, actes du colloque « Communicating green ».

Par ailleurs, le N° de Juillet 2014 de la revue « Journal for communicating studies » est également consacré à la communication environnementale. La présentation de ce N° est accessible ici: N° Communication & Environnement du Journal for Communicating Studies

Académie de la communication responsable

Lancement de l’Académie de la communication responsable sous l’égide de l’association Communication & Entreprise. 7 experts présentent le résultat de leur recherches en communication responsable devant des professionnels de la communication. J’ai eu grand plaisir à lancer cette occasion de rencontre qui vise à décloisonner la recherche en sciences de la communication.

Voir ma conclusion en video sur YouTube (7mn 30)

Lancement de l’Académie de la communication responsable

Pour la première fois en France, des chercheurs en sciences de la communication présenteront les résultats de leur recherche en communication responsable, devant un public de praticiens de la communication. Une manière de poser une passerelle entre le monde de la recherche et celui des praticiens. Mardi 10 septembre à la CCIP de Paris.