Les précurseurs de la lutte contre l’obsolescence programmée

Vance Packard, L’art du gaspillage, Calmann-Levy, 1962, 316 pages.

 

Paru en 1960 aux Etats-Unis, sous le titre The waste makers, cet ouvrage traite de la mode du renouvellement permanent induit par le style de vie américain. S’il dénonce principalement les techniques commerciales et publicitaires, il est intéressant d’y constater déjà une belle analyse de l’obsolescence programmée.

 

Dans son constat Vance Packard observait déjà trois techniques de la limitation volontaire de la durée d’un objet,

 

il suffit selon lui d’agir sur :

Sa fonction : par suite d’une modernisation, il est surclassé par un autre objet qui répond mieux aux besoins,

Sa qualité : il se casse ou s’use au bout d’un temps donné, en général assez court,

Sa présentation : on le démode volontairement.

 

Il cite un texte de George Frederick paru en 1928 dans la revue Advertising and Selling qui traite de l’intérêt économique de la « désuétude progressive » et un texte de Léon Kelley paru en 1936 dans la revue Printer’s Ink dont le titre de l’article est explicite « La solidité est démodée ». Il mentionne des documents fournis lors d’un procès contre General Electric en 1929, dans lequel un chef de service demandait de réduire la durée de vie des ampoules de 1.000 à 750 heures.

 

Il estime que le consommateur devrait exiger que « le fabricant engage sa responsabilité sur la durée d’utilisation du produit. En achetant, il devra lire la garantie avec attention. Couvre-t-elle les pièces de rechange et la main d’œuvre ? Et pour quelle durée ? » (page 249). Et il évoque des cas comme celui de Ford (c’était il y a plus de 100 ans !) qui distribuait des petites trousses à outils avec le mode d’emploi ou de l’entreprise Norge qui fit campagne pour inciter ses clients à réparer eux-mêmes leurs appareils électroménagers en cas de panne.

 

Il livre une explication sur l’augmentation de l’obsolescence programmée. Selon lui, la perte de contact direct avec un vendeur est un paramètre majeur. Nous ne connaissons plus nos vendeurs, cela ne peut que fragiliser la relation de confiance et permettre les dérives de la défectuosité planifiée.