Making of communication environnementale

A la rentrée prochaine, les Presses Universitaires de France publieront un dictionnaire de la pensée écologiste pour lequel il m’a été demandé de rédiger l’entrée « communication ».

Fidèle à mon habitude de ne pouvoir me réfrener, j’ai largement dépassé mon quota de signes permis pour cet exercice. J’ai donc beaucoup rétréci, mais j’ai du aussi couper. Et comme j’avais un peu de regret, je publie ici 2 petits paragraphes que j’ai du me résoudre à couper. Cela concerne les thèmes de la communication sur les controverses climatiques et sur celui du changement d’attitude rendu possible par la communication comportementale.

Communication et contraintes climatiques

Un cas particulier en communication environnementale réside dans la communication sur le changement climatique. Celle-ci pose une question délicate puisqu’elle interpelle sur les modalités du débat. La professeur Naomi Oreskes de l’Université de San Diego, associée à Erik Conway a parfaitement démontré les mécanismes utilisés aux Etats-Unis par les climato-sceptiques pour instiller le doute sur les résultats obtenus par les chercheurs rassemblés au sein du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC). Les arguments des climato-sceptiques reposent sur la survalorisation du doute, sur leur positionnement de scientifiques libres et désintéressés face à une organisation mondiale, le GIEC, présentée comme un lobby, sur les risques d’une régulation qui nuirait à la compétitivité industrielle, sur la dénonciation des quelques erreurs, d’une pseudo manipulation des données, et en appelle à la résistance, à la foi en l’homme, à l’esprit d’optimisme et en la croyance au progrès technique.

Derrière cette argumentation, les climato-sceptiques exigent un équilibre des points de vue, un accès aux médias pour faire valoir leur argumentation et l’organisation de débats contradictoires. L’écueil majeur de cette demande en apparence légitime démocratiquement est qu’il s’agit là d’une impasse communicationnelle. N’ayant pas – ou peu – de légitimité scientifique sur la recherche climatique, les climato-sceptiques cherchent à conquérir l’arène médiatique où ils se situent davantage en position de force, ce qui crée un dilemme communicationnel : accepter le débat revient à crédibiliser les climato-sceptiques et s’y opposer revient à leur conférer un statut de victime de la censure. La communication environnementale sur le réchauffement climatique s’avère donc particulièrement complexe

Communication et changement d’attitude

Dans la lignée des travaux de Kurt Lewin, de nombreuses recherches furent effectuées pour identifier quel type de communication serait le plus efficace pour modifier les comportements dans un sens plus respectueux de l’environnement (tri des déchets, maîtrise de la consommation d’énergie, d’eau, …). Les résultats concernent le message, qui ne doit être ni triomphaliste, ni catastrophiste ; le choix d’outils adaptés et non exclusifs qui doit combiner des moyens à distance (TV, radio, affichage) pour présenter le sens et l’objectif, et des outils de proximité pour exposer et faire comprendre le mode d’emploi et permettre l’échange ; la nécessaire visualisation des données (la déforestation : deux terrains de football par minute), la valorisation des interlocuteurs, l’accent sur la personnalisation des messages pour faciliter l’identification. En prolongement des travaux de V. Joule et R.L. Beauvois, Françoise Bernard de l’Université de Marseille-Provence a proposé la notion de communication engageante, reposant notamment sur la nécessité d’actes préparatoires. A ce titre, la communication sur les « petits gestes » (une douche plutôt qu’un bain, éteindre la lumière) révèle toute son efficacité, non pas dans les conséquences environnementales directes mais comme franchissement d’une étape facile permettant de gravir un palier supérieur par une sensibilisation qui résulterait de l’accomplissement d’un acte faiblement engageant au départ.

De même, W. Thaler et C. Sunstein aux Etats-Unis ont mis en évidence l’importance des normes sociales et du positionnement individuel par rapport à une communauté homogène. Communiquer sur les comportements environnementaux d’individus dont nous nous sentons proches nous incitera fortement à calquer notre comportement sur une moyenne valorisante.

Les nombreuses recherches sur le changement d’attitude sont peu exploitées par les pouvoirs publics qui émettent une communication qui apparaît souvent davantage destinée à diffuser une image positive plutôt que de viser à une réelle modification des comportements.