Jonathan MILES. Le radeau de La Méduse

Editions Zeraq. 310 pages.
En juilllet 1816, la frégate française La Méduse fait naufrage au large du Sénégal. Pendant 17 jours, 147 personnes dérivent sur un radeau, seules 15 seront sauvées et 5 mourront peu après. L’auteur du livre retrace par le détail l’ensemble des conditions ayant amené ce naufrage, synthétise les récits hallicinants des survivants, notamment le cannibalisme à bord ou le fait d’avoir jeté les plus faibles à la mer, et la manière avec laquelle l’immense toile de Géricault (5 x 7 mètres) a immortalisé l’événement. L’ouvrage est palpitant de bout en bout.

Mario VARGAS LLOSA. La civilisation du spectacle

Gallimard. 230 pages.
Vargas Llosa est un écrivain péruvien, prix Nobel de littérature en 2010. Il livre ici un essai entrecoupé de quelques articles publiés dans la quotidien El Pais. L’ouvrage est une charge contre une vision de la culture qui ressemble de plus en plus à du divertissement. Chacun se donne bonne conscience en se rendant dans les expositions tendances ou en visitant des pays lointains, mais l’important est de pouvoir raconter son expérience, pas de la vivre ; la preuve en est le faible temps passé dans les musées ou le désir premier de prendre des photos sans vraiment voir les oeuvres. Les journalistes se prennent pour des penseurs et « la cuisine et la mode occupent une bonne partie des rubriques consacrées à la culture ». (p. 37). Le prix devient synonyme de la valeur d’une œuvre d’art, conséquence de « la banalisation ludique de la culture ».

Michel ONFRAY. Cosmos

Flammarion. 568 pages.
Après plus de 80 livres, Michel Onfray présente cet ouvrage comme son premier vrai livre, en fait le premier tome d’une trilogie. Composé de cinq parties et à chaque fois cinq chapitres, il est surtout une suite d’essais sans lien apparent sur le land art, la perception du temps dans les grottes, la cruauté envers les animaux, le vieillissement du vin, la vie des tziganes, l’art africain, le végétarisme sur lequel il s’affirme « croyant, non pratiquant » (p. 232), les conséquences de ne plus pouvoir voir les étoiles dans les pays occidentaux à cause de la pollution de l’air.
L’ensemble se présente comme une suite de dissertations où l’étalage des connaissances énerve parfois. L’avantage est que tout est accessible et qu’imperceptiblement, à la fin de lecture, les pièces de ce puzzle semblent se recomposer.

Pape FRANCOIS. Laudato Si

Parole et Silence. 192 pages.
Si l’on m’avait dit qu’un jour, je lirais une encyclique papale !
J’ai pourtant bien apprécié ce livre sur l’écologie et qui vient à propos à l’approche de la COP 21. Je l’ai trouvé fort documenté ; par exemple sur les stratégies d’achat et de vente de crédits carbone (p. 132), ce qui donne une impression bizarre dans un ouvrage de foi, et couvrant bien tous les aspects de notre relation à l’environnement. Je partage le constat que la lutte pour l’environnement ne pourra réussir sans une profonde modification de notre relation aux autres et une réflexion sur nous-mêmes. Deux choses m’ont gêné ; une relecture à mon sens trop partielle de la bible qui parle pourtant bien de domination de l’homme sur la nature, et la défense de l’idée que le respect de l’environnement et donc du climat, passe par le respect de la vie sous toutes ses formes, comme l’interdiction de l’avortement (p. 94). On y trouve aussi une défense de la féminité et de la masculinité et un appel à ne pas « effacer la différence sexuelle !» (p.120).

Bernard STIEGLER. L’emploi est mort, vive le travail

Entretiens avec Ariel Kyrou. Mille et une nuits. 118 pages.
La thèse du livre est que l’emploi est condamné à régresser avec l’automatisation et que c’est une chance pour repenser le travail : « Que l’emploi meurt donc pour que vive le travail » (p. 22). Pour Bernard Stiegler, le travail n’est pas réductible à l’emploi, l’emploi c’est ce qui est sanctionné par un salaire alors que le travail, c’est ce par quoi on cultive un savoir, ce qui l’amène au constat : « Depuis très longtemps, on ne travaille presque plus dans notre société » (p. 35). Il prend pour modèle de ce vers quoi il faudrait aller le régime des intermittents du spectacle et avance des formules chocs : « Une très bonne manière de supprimer le chômage, c’est de supprimer l’emploi » (p. 102). J’avoue avoir eu du mal à adhérer à ces thèses.

Frédéric PAJAK. Manifeste incertain

Noir sur blanc 222 pages.
Je suis fan de Pajak et de ses « Essais dessinés ». J’avais adoré L’immense solitude consacré à Nietzsche et Pavese et le tome 3 de ce Manifeste incertain (cf nouveautés 2014) sur les vies de Walter Benjamin et Ezra Pound. Ce tome 4 contient huit récits et essais dont le plus important est consacré à Arthur Gobineau, un des idéologues du racisme, dont j’appris qu’il fut chef de cabinet de Tocqueville et que son livre phare, Essai sur l’inégalité des races humaines, ne connut aucun succès de son vivant. Piètre savant, Gobineau est « partial, odieux, outrancier. Il est surtout d’une amertume persistante qui confine au désespoir définitif » (p. 77). Il mourra totalement isolé dans une chambre d’hôtel à Pise.

Paul VEYNE. Palmyre. L’irremplaçable trésor

Albin Michel. 142 pages.
Historien de l’Antiquité, Paul Veynes a dû être profondément désespéré de la destruction de Palmyre par Daech. Il fait ici revivre les 4.000 ans d’histoire de cette ville qu’il considère avec Pompéi et Ephèse comme l’un des trois plus beaux sites archéologiques.
Ce qui semble énerver le plus l’auteur est que Palmyre était justement une ville de multiculturalisme : « Les temples étaient nombreux à Palmyre car chaque tribu y avait apporté sa divinité et chaque fidèle pouvait y adorer un dieu qu’il avait élu » (p. 120).
J’aime beaucoup la phrase finale du livre « Ne vouloir connaître qu’une seule culture, la sienne, c’est se condamner à vivre sous un éteignoir » (p. 141).

Richard COMBALOT (dirigé par). Philip K. Dick. Simulacres et illusions

Actu SF. 396 pages.
Un bijou pour les amateurs de science-fiction dont Philip K. Dick fut pour moi l’auteur le plus brillant. Ce livre réunit des contributions des meilleurs spécialistes et présente plusieurs interviews que Dick a accordées. En 1975, il avait déclaré : « Les ordinateurs ressemblent de plus en plus à des créatures sensibles et cognitives, mais, en parallèle, les humains se déshumanisent de plus en plus. » (en 1975 !). Dick est le maître des réalités parallèles où la machine devient plus sensible que l’humain. Il est surtout connu pour avoir écrit les nouvelles à la base de films comme Blade Runner, Total Recall, Minority Report.
Un livre superbe pour découvrir cet auteur de génie.

Kilian JORNET. Courir ou mourir

Arthaud. 224 pages.
Ayant a eu l’occasion d’assister à un ultra-trail, j’avais été super impressionné par ces coureurs capables de courir plus d’une centaine de kilomètres d’affilée et en pleine montagne. Kilian Jornet est un des tous meilleurs spécialistes mondiaux et ça m’intéressait de lire son histoire.
Bon, un peu déçu ; c’est surtout une ode à la victoire « perdre, c’est mourir ; gagner c’est se sentir vivant. » Un entraînement et une hygiène de vie infernale, une volonté de fer, « Le muscle le plus puissant du corps est le cerveau » et il ne faut penser à rien d’autre. « Je passe ma vie à penser à la course à pied. Avant d’y aller, je pense à la façon dont je vais courir. Quand je cours, je pense à la façon dont je suis en train de le faire, et ensuite, je pense à la manière dont j’ai couru » (p. 212).

Michel HOUELLEBECQ. Poésies

J’ai lu. 442 pages.
N’ayant jamais lu de poésie d’un auteur contemporain, je me suis risqué pour cette intégrale de Michel Houellebecq.
Côté positif, c’est la première fois que je lis des poèmes dont les scènes se déroulent dans un Monoprix ou à La Défense. Côté négatif, c’est tellement glauque qu’on a presque envie de relire Ronsard. J’ai toutefois été interpellé par « Je n’ai pu découvrir aucune raison de rechercher la connaissance […]. Tout ce qui n’est pas purement affectif devient insignifiant. » (p. 359).