Philippe MOATI. La société malade de l’hyperconsommation

Odile Jacob. 256 pages.
Professeur d’économie à Paris Diderot, l’auteur décrit les conséquences de ce que Gilles Lipovestky avait appelé l’hyperconsommation et qui repose sur l’idée que consommer davantage rend plus heureux. Le discours commercial est tout à la fois plus puissant quantitativement, mais aussi dans ses méthodes, de plus en plus élaboré. Et dans le même temps, 78 % des français déclarent devoir « se restreindre sur des postes de dépenses nécessaires ou essentielles » (p. 83). On apprend que sur le marché de l’habillement, les vestes en soldes qui représentaient 20 % du total de la valeur des vestes représentent désormais près de 40 %. L’auteur présente les travaux de « l’économie du bonheur » en montrant, une fois passé un certain stade, l’absence de lien consommation-bonheur : « On ne peut qu’être frappé par le paradoxe entre l’importance que tient la consommation dans la société occidentale et son incapacité à tenir ses promesses. »

George AKERLOF et Robert SHILLER. Marchés de dupes

Odile Jacob. 328 pages.
Ce livre, sous-titré « L’économie du mensonge et de la manipulation », écrit par deux Prix Nobel d’économie (2001 et 2013), traite de la face cachée du système économique. Selon eux, nous ne faisons pas toujours les choix qui sont bons pour nous. Les auteurs analysent le rôle de la publicité, du fonctionnement des cartes de crédit, celui du lobbying, la mise sur le marché des médicaments, le manque de contrôle sur l’alcool (sur ce point, ils indiquent que si nous disons la vérité dans les sondages, cela ne ferait que 51 % des ventes d’alcool). Un chapitre est consacré à l’étude de la crise des subprimes. Pour les auteurs, il faut introduire « le rôle de la tromperie et de la manipulation dans le fonctionnement des marchés » (p. 227). Un livre intéressant dans son idée générale, décevant en raison de nombreuses banalités sur le chapitre traitant de la publicité.

Eloi LAURENT. Nos mythologies économiques

Les Liens qui libèrent. 106 pages.
Une excellente lecture. Eloi Laurent critique d’abord le fait que l’économie soit devenue l’horizon indépassable de la politique. « La crédibilité économique dévore la légitimité politique » (p. 12). Il traite ensuite de trois mythologies pour les déconstruire successivement ; la mythologie néo-libérale, la sociale xénophobe et celle écolo-sceptique. Il relève que la pratique néo-libérale revient souvent à un captage de subventions publiques. Beaucoup d’idées reçues sont dénoncées avec, à chaque fois, une belle démonstration étayée.
Un livre rapide à lire et qui invite au débat. Une belle réussite.

Jonathan CRARY. 24/7. Le capitalisme à l’assaut du sommeil

La Découverte. 142 pages.
Le livre commence par une description des travaux du Pentagone pour « créer un soldat qui ne dorme pas » (p. 12). Il part de l’hypothèse que notre système économique nécessite « des marchés actifs 24 h sur 24 et 7 jours sur 7 », d’où le titre du livre, pour permettre de travailler et consommer en continu. Il constate que l’américain dort désormais 6 heures et demie par nuit contre 8 heures pour la génération précédente et 10 heures au début du siècle dernier.
L’auteur prend l’analogie du mode « veille » de nos appareils électroniques pour définir les menaces sur notre sommeil et la fin de la séparation classique on / off.

Matthew B. CRAWFORD. Contact

La Découverte. 346 pages.
Le livre commence par cete phrase « Nous sommes en train de vivre une véritable crise de l’attention. » Il part de l’idée que le problème de l’explosion des stimulations externes dont nous sommes incessamment l’objet est devenue un problème culturel majeur. Pour l’auteur, nous perdons le contact avec la réalité, nous nous dépossèdons de nous-mêmes. Il revendique un droit à ne pas être interpellé : « L’appropriation de notre attention est donc une question qui nous affecte intimement. »
Le monde apparaît comme une source de confusion qui nous rend autiste, nous fait perdre la vision des causes et des effets, opacifie un monde perçu comme de plus en plus fragmenté, et en conclusion « L’expérience de l’agir individuel nous échappe peu à peu » (p. 131). L’auteur est philosophe et réparateur de motos aux Etats-Unis. Il est l’auteur de Eloge du carburateur.

Stéphane ATTAL. Influencer, c’est la communication d’aujourd’hui

Maxima. 140 pages.
L’auteur dirige une agence de communication et le livre a le défaut d’un grand nombre de livres écrits par des directeurs d’agence d’être avant tout un élément promotionnel plutôt qu’une réelle réflexion sur les relations entre l’influence et la communication. J’ai toutefois beaucoup apprécié le chapitre sur les coulisses de la communication visant à faire ouvrir les magasins de bricolage le dimanche, le passage sur la mise en récit, notamment celui d’Elon Musk « je n’ai pas de clients, j’ai des adeptes » (p. 31).
J’ai aussi appris que 3 % des influenceurs digitaux génèrent 90 % de l’impact dans les conversation en ligne.

Bernard EMSELLEM. Communication : pourquoi le message ne passe plus

Editions François Bourin 2016. 278 pages.
Une excellente contribution aux évolutions de la communication des organisations, par l’ex-dircom de la SNCF. Le propos principal de l’auteur est que le message ne passe plus car nous sommes encore restés dans les modèles mécanistes de la communication sans considérer les nouvelles problématiques d’acceptabilité sociétale. L’auteur défend ainsi la discipline de l’acceptologie basée sur l’écoute et le dialogue. Il dénonce la réduction de la communication à la seule question de l’image et réhabilite la fonction d’apport de sens, d’information et de clés de compréhension. Il précise également sa vision de la communication à l’organisation autour de trois composantes : l’identité (ce qu’elle est) ; la contribution (ce qu’elle fait), et la relation (la manière d’être et de faire).
Un très bon livre d’un des meilleurs dircoms, utile autant aux professionnels de la communication qu’aux étudiants.

Xavier DELACROIX. Bouches Inutiles. Du naufrage de la parole publique

Lemieux éditeur. 92 pages.
Un petit livre format poche, de moins de cent pages et assez déroutant. Xavier Delacroix est un des meilleurs consultants en communication et lobbying. Il a donc une certaine expérience. Il s’interroge ici sur l’efficacité de la parole publique. C’est souvent désabusé, mais avec une vraie lucidité et de vraies questions posées, notamment sur la place de la communicationn et sa réelle efficacité. « Les discours corporate sont parfaitement creux, convenus, prévisibles et délicieusement interchangeables », « Les seules choses qui soient vraies dans un rapport financier, ce sont la date et la pagination » (p. 79).

Claude POSTERNAK. La schizophrénie de l’opinion française

Fauves Editions. 104 pages.
L’auteur est le fondateur d’un baromètre qui existe depuis 1999 sur l’image des entreprises françaises. Il présente ici son analyse sur les évolutions d’image de six entreprises et du secteur de la grande distribution. Il montre que les images peuvent considérablement évoluer et surtout à la baisse. On s’aperçoit surtout que les évolutions d’image, à la hausse comme à la baisse, dépendent rarement d’actions de communication. Seul reproche, il n’y a ici que des études de cas. On aurait aimé une réelle analyse sur les déterminants de l’image, la relation entre l’image d’une entreprise et celle de son secteur d’activités, une réflexion sur le rôle de l’image, bref une analyse plus globale qu’un simple commentaire de courbes.

Bernard DAGENAIS. La politique de communication

Presses Universitaires de Laval (Canada). 282 pages.
L’auteur est professeur en communication à l’Université Laval et il a une longue expérience en agence de conseil au Québec. Ce livre détaille les étapes et les éléments à considérer pour obtenir une politique de communication cohérente et montre l’articulation avec le plan de communication. J’ai une réserve à considérer comme lui que « La politique de communication vise au premier chef le public interne d’une entreprise ». (p. 75). Le livre est toujours clair et opérationnel, seul reproche mais compréhensible : la grande majorité des exemples sont québécois.