Après le greenwashing, le greenbashing

Article publié vendredi 7 janvier par Le Vif/Express

auteur Olivier Fabes

Après le greenwashing, le greenbashing

Galvaudée, l’expression « développement durable » ne va pas durer. Les entreprises commencent à réaliser qu’une communication verte hyperconsensuelle et angélique finit par lasser.

Trop, c’est trop. A force de mettre du vert partout, de nous faire croire que la voiture devient presque bénéfique pour la nature ou de brasser beaucoup de vent pour quelques éoliennes, les entreprises ont fait perdre toute crédibilité à la communication environnementale. C’est le constat implacable que posait dernièrement dans nos colonnes Thierry Libaert, professeur en communication à l’UCL et auteur de Communication et environnement, le pacte impossible. Dégât collatéral du greenwashing, l’expression « développement durable », apparue il y a une vingtaine d’années, est elle aussi vouée à disparaître. Elle est selon lui devenue « un attrape-tout » consensuel dont se sont progressivement emparées les entreprises pour « réenchanter » la sphère économique et tenter de concilier croissance et intérêt général. Mais le filon est à présent surexploité.

Retour de manivelle

Certaines entreprises semblent se rendre compte du trop-plein. Parfois, après s’être pris un fâcheux retour de manivelle. C’est notamment le cas de Renault, dont la publicité « Eco 2 » avec la navigatrice Ellen Mac Arthur (on voit une voiture « qui ne laisse plus de trace sur la planète », l’herbe repoussant automatiquement après son passage) a été clouée au pilori médiatique et condamnée sur les réseaux sociaux. L’autorité française de régulation de la pub a remis un avis négatif. Et le groupe automobile a sans doute compris qu’il y avait des bornes à ne pas franchir. Ou plutôt à ne plus franchir. Car, depuis une bonne année, les agences de pub en France ne peuvent plus utiliser l’argument environnemental avec trop de légèreté. Elles sont soumises à un certain nombre de règles d’encadrement. Les labels autoproclamés ou les allégations vertes sans fondement passent moins facilement la rampe. L’approche française porte visiblement ses fruits puisque, pour la première fois dans l’Hexagone, les entreprises ont moins utilisé de références environnementales dans leurs campagnes publicitaires, alors que celles-ci avaient été multipliées au moins par cinq entre 2006 et 2009 (1).

Bref, les entreprises semblent prendre conscience qu’une communication verte trop idyllique, en décalage avec la réalité de l’entreprise, en plus de lasser le consommateur, peut nuire à l’image. Il est loin le temps où le groupe Henkel avait pu doper les parts de marché de sa marque Le Chat de 5 % en étant parmi les premiers à vanter les mérites écologiques de sa poudre à lessiver.

Dès lors, plutôt que d’inventer des arguments verts différenciateurs qu’ils n’ont pas, certains jouent la carte de l’humour ou de la dérision. Le greenbashing, qui se moque de l’environnementalisme à deux sous, prend le relais du greenwashing. La campagne en ligne de Goodyear (legoodchoix.com) égratigne des caricatures de militants écologistes qui vantent les mérites de pneus. Dans une pub pour la Passat, Volkswagen se moque d’une communauté de hippies dont l’objectif est de ne pas émettre du tout de CO2. Et plus simplement, Honda détourne l’expression « éco-responsable » pour afficher le slogan très nombriliste « Devenez ego-responsable ». Dans ce registre aussi, l’avantage de l’originalité risque d’être tout sauf durable.

(1) D’après une analyse commune de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et l’autorité française de régulation de la publicité.