Frédéric MITTERRAND. Mes regrets sont des remords

Robert Laffont. 360 pages.
L’ouvrage est remarquable car il faut du courage pour s’exposer en racontant l’ensemble de ses regrets. On a tellement l’habitude de refouler ses regrets et d’éviter toute introspection que l’exercice est à signaler, surtout comme ici, s’il est rédigé avec brio. Il reste que ceci m’a paru assez littéraire dans la lignée de Je me souviens de Georges Perec. L’auteur distille ses regrets (je regrette d’avoir manqué d’attention, je regrette mon manque de courage, …) mais de manière un peu trop lisse.
Bizarre qu’il n’y ait aucun (ou presque) regrets de nature politique.

Rémi SOULIE. Pour saluer Pierre Boutang

Editions Pierre-Guillaume de Roux. 140 pages.
Un témoignage d’affection envers Pierre Boutang, sous la forme de six essais (Boutang et J. de Maistre, Boutang et Bernanos) et surtout des extraits du journal de l’auteur et de ses rencontres avec le philosophe.
J’avais eu l’occasion de rencontrer Pierre Boutang alors que j’étais jeune étudiant à Lille, cette rencontre m’avait marqué. Le personnage m’était apparu extraordinaire par son intelligence et son érudition et en même temps assez rigide, voire brutal.

Stéphane GIOCANTI. Pierre Boutang

Flammarion. 450 pages.
Pierre Boutang (1916 – 1998) a tenu des propos racistes, antisémites, il a soutenu Pétain, choisi Giraud contre de Gaulle, soutenu l’Algérie française, combattu l’avortement. Il était infidèle dans son couple et pouvait être verbalement brutal envers ses étudiants.
Compagnon de Maurras et fidèle au royalisme jusqu’à sa mort, Pierre Boutang reste un philosophe assez fabuleux- quoique parfois un peu hermétique – que j’avais eu la chance de rencontrer le temps d’une conférence durant mes études à Lille. Réhabilité par l’université en 1967, il ne sera nommé professeur qu’en 1976. Il est l’auteur du livre Ontologie du secret, qui m’avait servi dans la rédaction de mon ouvrage sur la transparence en 2003. Si on ne connaît pas Pierre Boutang, il faut écouter sur YouTube ses fabuleux entretiens avec Georges Steiner, que je considère comme un sommet d’intelligence, de culture et de sagesse.
Cette biographie fait revivre le personnage et une période de l’histoire intellectuelle française, elle est à mon sens un peu trop complaisante.

Ariane CHEMIN. Mariage en douce. Gary et Seberg

Equateurs. 156 pages.
Le livre relate le mariage qui s’est déroulé en Corse le 16 octobre 1963 entre Romain Gary et Jean Seberg. Les conditions de cette cérémonie étaient assez incroyables puisqu’elles devaient empêcher les médias d’être présents et que plus haut niveau de l’Etat s’en est mêlé. L’ouvrage est l’occasion d’évoquer la vie et l’œuvre de Romain Gary et Jean Seberg. Après leur divorce en 1971, Jean Seberg aura une vie tourmentée, notamment à cause du FBI, elle fut retrouvée morte en 1979, à 40 ans. Romain Gary se suicidera l’année suivante, à 66 ans, d’une balle dans la bouche.

Jean-Paul KAUFFMANN. Outre-terre

Editions Equateur. 332 pages.
L’Outre-terre est une référence à l’enclave russe séparée désormais de la Russie par la Lituanie, l’ex-Prusse Orientale, où se déroula en 1807 la bataille d’Eylau. Ce livre est un prétexte à nous parler de Kant qui habita Königsberg, aujourd’hui Kaliningrad, du colonel Chabert de Balzac, dont l’histoire est tirée de cette bataille, de la célèbre toile de Gros exposée au Louvre (alors que le peintre n’ était jamais allé sur place) et de plein d’autres choses, toujours superbement écrit.
Eylau se nomme aujourd’hui Bagrationovsk et Friedland, autre lieu de bataille napoléonienne à 15 kilomètres d’Eylau, Pravdinsk.
5.000 soldats français périrent à Eylau que les russes considèrent comme une défaite napoléonienne.

Patti SMITH. M. Train

Gallimard. 272 pages.
Une belle lecture, surtout en mettant sa musique en bruit de fond. Rien d’extraordinaire dans le contenu, Patti Smith ne dévoile rien du milieu où elle évolue, juste une écriture tout en finesse, sur des lieux, des rencontres. Le texte est accompagné de photos prises par l’auteur. J’ai adoré l’histoire de sa rencontre avec Bobby Fischer en Islande, ou lorsqu’elle se rend dans la maison de Frida Kahlo au Mexique. J’y ai découvert son habitude de se rendre sur la tombe d’artistes qu’elle aimait pour la nettoyer et y déposer souvent des petits cadeaux.

Gérard DAVET, Fabrice LHOMME. Un président ne devrait pas dire ça

Stock. 662 pages.
Un livre vraiment fabuleux si on accepte d’oublier nos étiquettes politiques et notre réflexe « pour » ou « contre » Hollande. Pour ceux qui s’intéressent à la chose politique et la communication politique, cette plongée au cœur de l’Etat et des décisions qui se prennent est fascinante. Toutes les pseudo-révélations ont été annoncées, il reste une étude des limites considérables de l’action politique, l’image d’un président honnête et compétent mais dans une désormais incapacité d’action et un court-termisme permanent. « L’idée qu’avec une bonne com on peut avoir une bonne popularité, c’est illusoire » (p. 169).

Willy GIANINAZZI. André GORZ. Une vie

La Découverte. 384 pages.
Une excellente biographie pour redécouvrir une personnalité précurseur de réflexions sur l’écologie et le travail. André Gorz (1923-2007), de son vrai nom Gerhart Horst et qui signait ses articles dans Le Nouvel Obs sous le pseudo de Michel Bosquet, a écrit sur le réchauffement climatique dès 1954, puis sur l’obsolescence programmée, le rôle de la publicité, etc. Il est l’auteur d’Ecologie et Liberté en 1977 et s’est montré très sceptique sur l’expression de développement durable qui selon lui n’entamait en rien les tendances de fond du système à produire toujours plus. Son dernier livre, Lettre à D, en 2006, est une déclaration d’amour à sa femme avec qui il se suicidera l’année suivante : « Cela fait 58 ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais ».

Sophie DUBUISSON-QUELLIER (sous la direction de). Gouverner les conduites

Sciences Po Les Presses. 476 pages.
Le livre présente un grand nombre de recherches autour du thème des modifications des comportements dans des domaines fort différents, comme l’acceptation de l’impôt, la lutte contre l’obésité, les jeux d’argent ou la consommation durable. Pour l’auteur, pour modifier les comportements, il existe de nombreux outils comme les règlements, les normes, la fiscalité, les contrats, les labels, les processus de communication et les incitations par les nudges. J’ai été intéressé par le chapitre sur « Le cas de la régulation des pratiques de Greenwashing dans la publicité ». L’auteur indique que pour minimiser les menaces d’une trop forte régulation, les publicitaires vont « s’attacher à démontrer combien leur métier ne vise nullement à orienter les conduites de consommation » (p. 318).

Edgar MORIN. Ecologiser l’homme

Lemieux éditeur. 134 pages.
Ce livre est un recueil d’articles rédigé par Edgar Morin sur le thème de l’environnement. L’occasion d’observer que sur ce sujet il fut aussi précurseur avec son article « L’an I de l’ère écologique », rédigé en 1972. J’ai constaté que dès 2003, il évoquait « l’obsolescence rapide des produits » et que selon lui une éducation des civilisations passait par une réflexion sur « Comment considérer la publicité ».